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Se fournir en haschich à Saint-Ouen ? Cela tiendrait plus de l’emplette au supermarché que du parcours du combattant. Nicolas, un ingénieur d’une trentaine d’années spécialisé dans les nouvelles technologies, explique venir à Saint-Ouen « depuis 2005 ». Pourquoi dans cette commune de la première couronne parisienne plutôt que dans la capitale ou d’autres communes de la banlieue ?
« Avant, je m’approvisionnais ailleurs. Mais ici, c’est le plus pratique. On vient en métro, on repart à pied. Et le matos (NDLR : la drogue) est toujours bon. Pas de rupture d’approvisionnement », précise cet habitué des halls d’immeubles de la rue Soubise, des passages de la petite cité rue Emile-Cordon ou encore de l’allée du 8-Mai-1945… à deux pas de l’école primaire Bachelet.
En outre, l’environnement est plus sûr à Saint-Ouen qu’ailleurs. « La clientèle est essentiellement parisienne, ou de la proche banlieue. Ce sont plutôt des gens bien intégrés, de catégorie socioprofessionnelle supérieure. Environ 2000 personnes viennent chaque jour se fournir à Saint-Ouen », confirme Kamel Hadj, du syndicat SGP police.
A Saint-Ouen, les acheteurs sont donc Monsieur Tout-le-Monde, comme le souligne un autre consommateur, rencontré alors qu’il rebrousse chemin en raison d’une descente de policiers dans l’un de ces spots bien connus des riverains. « Cela va des bobos parisiens, des costards-cravates, qui garent leur Imax (NDLR : scooter) en bas des tours, aux étudiants. La moyenne d’âge se situe entre 18 et 25 ans. En majorité, ce sont des mecs. Une seule fois j’ai vu une jeune fille venir acheter du shit », se souvient ce musicien du XVIIIe arrondissement de Paris.
Des joints, Nicolas, l’ingénieur, en fume « un à deux par soir, en regardant un film à la maison, comme d’autres boivent leur verre de vin à table ». Sa consommation n’est donc pas modeste. Il lui en coûte entre 1 000 et 1 200 € par an. Mais qu’importe, avec un salaire annuel de 42000 €, ce bobo parisien, père de famille et salarié modèle, gagne bien sa vie. Et de relater, à moitié hilare, sa surprise lorsqu’il est venu acheter pour la dernière fois l’équivalent de 100 € de shit à Saint-Ouen : « L’échange avec les dealeurs se fait dans les cages d’escalier, toutes lumières éteintes. Les plafonniers sont toujours hors d’usage et les vendeurs se camouflent le visage comme des supporteurs de foot, avec une écharpe remontée sur le nez. Ce sont des gens très jeunes, entre 14 et 17 ans, qui s’éclairent pour recompter l’argent avec un téléphone portable ou une lampe frontale. Mais la dernière fois, c’était plus original : ils portaient des masques de présidents américains comme dans Point Break (NDLR : le célèbre film de surfers-braqueurs avec Patrick Swayze et Keanu Reeves). »
Cette relative décontraction des acheteurs reflète bien comment, ces quatre ou cinq dernières années, les lieux de la drogue se sont multipliés dans la commune, jamais bien loin d’une bouche de métro. « Les spots changent, ça tourne, mais il suffit d’un signe de la tête pour que les guetteurs à vélo ou ceux qui sont assis dans la rue vous indiquent la nouvelle adresse », explique Nicolas. Et d’ajouter : « Parfois à l’heure de pointe, entre 16 et 20 heures, les acheteurs se suivent à quelques mètres d’intervalle. J’emprunte chaque fois un chemin différent, je ne marche jamais avec des voitures dans le dos et je repère bien les autres acheteurs qui se dirigent au même endroit que moi. »
Le Parisien

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