Tribune d’Albert Memmi, écrivain, auteur de «Portrait d’un colonisé» (1953).
Le succès de judéité acheva de me convaincre qu’il y avait là une nécessité, pas seulement langagière. Elle permettrait à un juif d’être laïque par exemple, sans renier pour autant sa solidarité avec les siens. Ne serait-il pas temps de procéder à la même ventilation pour les musulmans ?
On aura noté, surtout à l’occasion des derniers événements, l’embarras lorsqu’il s’agit de désigner précisément les musulmans. Qu’entend-on par islam ? Est-ce une communauté particulière (Oumma) ou uniquement sa religion ? Islamisme signifie-t-il un ensemble de traits culturels ou, plus largement, les croyances et les pratiques d’une civilisation (la fameuse charia) ? […]
Je lui [à Léopold Sédar Senghor] proposais d’utiliser celle de négrisme, pour désigner uniquement l’ensemble des traits culturels des Noirs. Négricité pourrait désigner exclusivement la démographie ; négrité, la manière dont un Noir vit son appartenance relative à la négricité et au négrisme. […]
Le Monde