TEMOIGNAGES- Six Français sur dix se disent opposés à cette promesse électorale de François Hollande.
On ne leur a jamais demandé leur avis. Aucun sondage, aucune étude, n’a évalué leurs souhaits. Dans son programme «60 engagements pour la France»,François Hollande a promis d’accorder «le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans». Certes, on sait que l’opinion s’est retournée : plus de six Français sur dix se disent aujourd’hui opposés à cette réforme. Mais personne n’a posé la question à ce million et demi d’étrangers non communautaires en âge de voter. «Ça montre bien là où se situe le débat ! lance la démographe Michèle Tribalat. C’est un positionnement franco-français, moral, humanitaire, sur des gens qui n’ont rien demandé…» […]
À l’heure du goûter, au square des Missions-Étrangères, dans le VIIe arrondissement de Paris, la question ne déclenche pas d’enthousiasme. Depuis plus de vingt ans en France, Rose, nounou ivoirienne, est pour le moins perplexe : «Moi, j’ai jamais voté de ma vie, j’sais pas ce que c’est…, lâche-t-elle. Sincèrement, ça ne me dit rien du tout. Je comprends les Français qui sont inquiets parce qu’il y a des gens qu’ils ont gentiment accueillis, et puis après ils veulent changer la société et prendre le pouvoir.
Je trouve que ça doit être les Français qui décident : on doit respecter leur mode de vie, c’est à nous de s’adapter.» Son amie Affiba vient de demander la nationalité française. «Mais pas pour voter ! précise-t-elle. J’ai pas besoin de voter pour me sentir intégrée! Je veux juste être française comme mes cinq enfants.»
[…] Il y a aussi ceux qui ne se reconnaissent pas dans la vie politique française. Réfugié politique, cet ex-journaliste mauritanien qui a choisi le «pays des droits de l’homme» il y a cinq ans est aujourd’hui bien désabusé :
«Tous les jours, on me fait savoir que je suis étranger. Si je votais, est-ce que ça changerait les choses ? demande-t-il. Est-ce que, moi, musulman noir, je trouverais seulement un candidat qui représenterait mes idées, dans cette France blanche et chrétienne ? Et est-ce que les étrangers comme moi pourraient être élus maires ? Non ? Alors à quoi ça sert ? C’est de la poudre aux yeux…» […]
À la cuisine, au rez-de-chaussée, un groupe de Maliens discute autour d’un thé. Eux sont beaucoup plus au courant.
«Moi, je milite, avec le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, pour ce droit de vote : c’est un signal fort pour une France mixte ! lance Bouyé, comptable au chômage, en France depuis onze ans. Une fois qu’on sera tous français, on pourra faire venir nos frères, et eux aussi pourront voter.»