Qui croire? Ceux qui avancent que la France sera une République islamique dans quatre décennies, ou ceux qui dénoncent dans cette affirmation une fable et un recours raciste au bouc émissaire?
Un film, projeté par le cardinal Peter Turkson, un proche de Benoît XVI, lors du synode des évêques qui se tient à Rome, fait la part belle à la première hypothèse.[…] A l’opposé, un livre écrit par Raphaël Liogier (Le mythe de l’islamisation, essai sur une obsession collective, Seuil) dénonce “le mythe paranoïaque de l’islamisation” et son “complot musulman visant à détruire l’Europe, à faire disparaître sa culture”. L’auteur écrit : “Que l’on étudie les courbes d’évolution de la natalité des musulmans putatifs, des flux migratoires ou des taux de conversion (…) on n’aboutit à aucune montée spectaculaire de l’islam ni dans le monde en général ni en Europe“. Entre ce tout et ce rien, entre cette dramatisation et cette banalisation, la vérité ne serait-elle dans l’entre deux ?
L’absence de données sur l’immigration et sa fécondité explique ces perceptions contradictoires et ces affirmations péremptoires […] Le déni de Liogier, pour sa part, est révélateur de l’attitude de ces intellectuels prêts à toutes les acrobaties pour rejeter des phénomènes qui s’observent à l’oeil nu. Entrainé par son désir de contredire toute approche critique, l’auteur en vient à louanger Tariq Ramadan et ses discours “antiracistes et tolérants” qui “donnent l’image d’un parfait démocrate”, tout en dénonçant “une atmosphère paranoïde et nauséabonde” chez ceux qui ne sont pas convaincus par sa vision angélique.
A vouloir trop caricaturer et moquer des craintes légitimes, l’auteur illustre le risque que fait courir l’aveuglement volontaire face à la question posée par l’islam radical en France. C’est moins l’islamisation de la France qui est à craindre que l’endormissement des esprits.
Le Figaro