« Ça fait longtemps que ça dure. On se demandait pourquoi rien ne se passait. » À l’image de cette habitante du quartier du Messier à Luxeuil, en Haute-Saône, beaucoup s’interrogeaient sur un trafic qui, à leurs yeux, prenait ses aises. « À la vue de tous », renchérit une passante, tirant un chariot à roulettes.
Elle cite ce jeune homme, assis sur une murette, comptant consciencieusement ses billets de 20€ avant de les ranger dans un étui. Ou ce ballet autour d’un « gros 4X4 » marqué par des échanges de marchandises. « Et ce à une centaine de mètres de la gendarmerie. »
« Depuis, ça restait tard dans la nuit et ça bougeait »
En fait, pour les enquêteurs, le travail de fond avait commencé depuis un certain temps déjà. Avec la délivrance, par un juge d’instruction, d’une commission rogatoire en septembre 2011 pour trafic de stupéfiants, blanchiment d’argent et infraction sur les jeux.
En avril dernier, les investigations débouchent sur l’interpellation de six personnes, dont trois sont toujours placées en détention provisoire, les autres n’ayant pas fait l’objet d’une mise en examen. Mais c’est ce 15 octobre à 6 h 30 que tout se joue : en dix points simultanés à Luxeuil et alentours, 120 gendarmes interpellent douze personnes, dont deux femmes. 3,8 kg de résine de cannabis sont saisis, 26 g d’héroïne ainsi que plusieurs milliers d’euros. De même que deux voitures, des berlines allemandes. Et… 300 jeux de cartes assortis de jetons.
Dernières trouvailles effectuées dans le bar Le Capricorne, situé au bas de la tour du Messier, symbole de ce quartier populaire de la cité thermale haut-saônoise.
Un établissement, qui vient d’être fermé sur ordonnance du juge, soupçonné d’être au cœur du trafic puisqu’ici on jouait, lors de parties de poker tardives, une partie de l’argent issu du trafic de stupéfiants, d’où le blanchiment.
Le gérant, ainsi que les onze autres interpellés, avait repris l’affaire voilà plus d’un an. « Depuis, ça restait tard dans la nuit et ça bougeait », raconte une riveraine, habituée des parties de cartes nocturnes dans les escaliers de son immeuble du 5 bis Maréchal-de-Lattre où s’étalent, assure-t-elle, « jusqu’à mille euros » en petites coupures. Une autre évoque un sentiment de « malaise » dans le quartier. Ces va-et-vient incessants une fois la nuit tombée. Et « ces belles voitures ».
Sur les douze personnes interpellées au total, huit seront déférées aujourd’hui et demain devant le juge d’instruction. Les quatre autres interpellés ont été laissés libres à l’issue de leur garde à vue.
La plupart des mis en cause, pour certains déjà connus de la justice, n’ayant pas d’activité professionnelle, le travail, notamment du groupement d’intervention régional chargé du volet patrimonial, sera de mettre au jour les éventuels avoirs découlant des recettes des trafics. En France ou à l’étranger.
Vosges Matin