Sans surprise, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) est en tête du tableau, en particulier pour les liens étroits que certains de ses experts entretiennent avec l’International Life Science Institute (ILSI), le lobby des géants de l’agroalimentaire (Monsanto, Unilever, Syngenta, Bayer, Nestlé…).
L’ILSI est au cœur de plusieurs scandales de conflits d’intérêts, dont le dernier en date remonte à mai 2012 quand Diana Banati, présidente de l’EFSA, fut contrainte de démissionner en raison de ses liens dévoilés avec le lobby. Elle a depuis officiellement rejoint l’ILSI en tant que directrice exécutive pour l’Europe.
Cette fois la cour des comptes pointe le cas de six autres experts siégeant aux instances de l’EFSA et ayant des liens avec l’ILSI, la cour s’étonnant sobrement de cette « différence de traitement ».
L’EFSA, qui cherche à redorer son image, avait pourtant commandé un audit indépendant livré mi-septembre 2012 par la société de notation Ernst & Young qui saluait « les principes d’indépendance, d’ouverture et de transparence », de l’agence européenne.
« Aucune agence ne gère les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée. »
Mais l’EFSA n’a rien à envier à ses consœurs de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), l’Agence européenne des produits chimiques (Agence européenne des produits chimiques) et l’Agence européenne du médicament en charge de l’autorisation des médicaments (EMA).
Dans sa conclusion le rapport établi qu’« aucune agence ne gère les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée » et qu’« un certain nombre de lacunes, de gravité variable, ont été relevées dans les politiques et les procédures spécifiques des agences, ainsi que dans leur mise en œuvre ».
Des lacunes aberrantes
Les investigateurs de la Cour ont découvert des lacunes aberrantes comme à l’ECHA, qui joue un rôle majeur dans la régulation des pesticides et autres polluants toxiques, mais où « les déclarations d’intérêts des personnels de l’agence étaient conservées dans des enveloppes scellées, rangées dans les dossiers individuels et n’avaient été ni examinées ni évaluées ».
Autre cas de collusion surprenante, un haut fonctionnaire de l’ECHA louait des bureaux dont il est propriétaire à une entreprise sollicitant un grand nombre d’autorisations auprès de cette même agence.
L’EMA, tout comme l’EFSA, sont pointées par les rapporteurs qui s’étonnent que « les dernières déclarations d’intérêts de certains experts montraient des incohérences claires avec les précédentes » et que ces « agences n’aient pas cherché de clarifications auprès des intéressés ».
Quant à l’Agence européenne de la sécurité aérienne, elle tout simplement d’aucune « politique ni de procédures spécifiques relatives aux conflits d’intérêts », souligne la Cour.
« Une mise en péril de la santé publique »
Nina Holland, travaillant pour Corporate Europe Observatory, un organisme de surveillance des agences européennes, juge :
« Ce rapport confirme qu’il n’y a aucun système efficace en place dans ces agences pour éradiquer les conflits d’intérêts ou pour empêcher les fonctionnaires de profiter de “ portes tournantes ” (passage public/privé) entre les agences et l’industrie. Ces conflits d’intérêts à l’EFSA et ECHA mettent en péril la santé publique et la sécurité alimentaire. »
Pour rappel, le Parlement européen votait en mai 2012 le blocage du budget de trois agences (l’Autorité européenne de sécurité des aliments, l’Agence européenne du médicament et l’Agence européenne de l’environnement) en les sommant de faire le ménage contre ces conflits d’intérêts qui nuisent à la crédibilité des institutions. Une réforme en cours à laquelle la cour des comptes vient de donner un nouveau coup de balai.
Rue89