La prison est-elle devenue un lieu de radicalisation islamique en France, comme le suppose le ministre de l’intérieur ? […] Foudil Benabadji, 63 ans, l’un des 151 aumôniers musulmans de France agréé par l’administration pénitentiaire, l’aumônier général musulman et les services de renseignement n’est pas de cet avis. Voilà plus de vingt ans qu’il se rend chaque semaine à la maison d’arrêt de Chambéry, où la moitié des 160 prisonniers sont musulmans. Foudil Benabadji n’est ni imam ni théologien.
Christiane Taubira a annoncé que 30 aumôniers musulmans supplémentaires allaient être recrutés d’ici à 2014. «Il en faudrait au moins 5 fois plus !», s’étouffe Foudil Benabadji.
Selon lui, ce n’est pas en prison que certains détenus rencontrent l’islam radical mais au pied des tours d’Annemasse et de Grenoble, où sévissent des groupes salafistes. Un constat qu’appuie Farhad Khosrokhavar, directeur de recherches à l’EHESS et auteur de L’Islam dans les prisons (éd. Balland, 2004) : «Si les prisons françaises ont longtemps été un lieu de recrutement pour les djihadistes, ce n’est plus le cas depuis le 11 septembre 2001. Il existe toujours quelques cas de dérives fondamentalistes. Mais c’est l’exception plutôt que la règle.»
Dans l’intimité des cellules, les détenus partagent volontiers une tasse de Nescafé avec l’aumônier. «La religion n’est souvent qu’un prétexte pour aborder des sujets plus intimes, qui rongent les prisonniers», observe Thierry Gidon, surveillant à la maison d’arrêt de Chambéry. Un séjour derrière les barreaux est pour certains l’occasion de se poser des questions existentielles. «C’est d’ailleurs le lieu de nombre de conversions à l’islam», concède Foudil Benabadji, qui tente généralement de les décourager : «Le choix de l’islam se fait par capillarité, parce que c’est la première religion des prisons.» […]
Le Monde