Auteur du livre Waste (inédit en France), Stuart est le guide, au phrasé certes un peu bizarre, de ces reportages sur les dysfonctionnements de la production alimentaire dans six pays : France, Équateur, Inde, États-Unis, Japon, Angleterre. Au cours de cette enquête, on constate que si en Inde chaque foyer gaspille environ cent euros de nourriture par an, aux États-Unis c’est six fois plus.
Le gâchis se situe à toutes les étapes : la production, où l’on sélectionne les plus beaux légumes et on élimine les tordus ; la distribution, où les magasins jettent des tonnes d’aliments périmés ou non, et naturellement chez les consommateurs.
Le recyclage comme industrie
Heureusement, certains s’organisent pour récupérer ce qui est récupérable. Voir l’exemple de City Harvest à New York, qui récolte des aliments de luxe non conformes (mais toujours bons), y compris dans des restos trois-étoiles, pour les distribuer aux nécessiteux ; ou de Harvest of Hope, organisation caritative chrétienne, également aux États-Unis.
Mais le summum de la prise de conscience, du moins dans ce documentaire, se situe au Japon, où le recyclage est devenu non seulement une habitude mais quasiment une industrie. Dans le grand magasin Seibu de Tokyo, les déchets alimentaires de la cantine d’entreprise sont transformés en compost (quasiment en humus) dans une étrange machine située au sous-sol de l’établissement. Lequel compost serait ensuite livré gratuitement à des fermes… Mais cela ne résout toujours pas le problème ; l’idéal n’est en effet pas de recycler mais d’éviter les déchets.
Si, curieusement, les trois quarts de l’enquête sont consacrés aux fruits et légumes, le volet britannique s’occupe un peu de la viande en mettant l’accent sur les abats, délaissés par la population du pays. D’où l’épisode épicurien dans un restaurant spécialisé de Londres, le St. John, où Stuart découvre qu’un cœur de bœuf peut être un mets de choix. Un aspect peu abordé, la surproduction, semble plus traité dans un livre qui sort en parallèle, La Grande (Sur-)bouffe, de Bruno Lhoste (Rue de l’Échiquier), préfacé par Tristram Suart himself.
Au nom de la pérennité du secteur industriel, le système contraint à produire toujours plus, toujours trop, dans l’alimentation comme ailleurs. N’est-ce pas avant tout une question d’éducation et d’indépendance d’esprit du consommateur, bombardé de nouveautés et presque sommé de consommer sans mollir, sous peine de faire sombrer l’économie ?
Les Inrocks
Global gâchis – Le scandale mondial du gaspillage alimentaire Documentaire d’Olivier Lemaire. A été diffusé le mercredi 17 octobre, 20 h 50 sur Canal+
Revoir le documentaire : Le scandale du gaspillage alimentaire