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par Isabelle de Laminne

 
Cinq ans de crise, ça laisse des traces. Un jour, il va falloir payer.

En acceptant de réinjecter des fonds pour supporter les pays périphériques, la Banque centrale européenne (BCE) alourdit son bilan. En effet, le bilan de la BCE a doublé en 3 ans et triplé en 5 ans.

Quand on voit le bilan de la BCE, on pourrait, aujourd’hui, assimiler cette institution à un hedge fund. Elle a finalement très peu de fonds propres. Elle détient près de 800 milliards d’euros de dettes sur les pays périphériques. Une banque commerciale classique ne pourrait pas avoir un tel effet de levier.

Si certains de ces pays ne remboursent pas ces avances, il faudra enregistrer une perte. Même si la BCE est un créancier privilégié, on risque de se retrouver, un jour, avec un moratoire sur certaines dettes”, souligne Serge Wibaut(*), partenaire chez Reacfin et professeur de finance à l’UCL.

Mais qui va finalement payer les effets de cette crise ?

Les pays cotisent dans les fonds FESF (Fonds européen de Stabilité financière) et dans son successeur, le nouveau MES (Mécanisme européen de Stabilité) en fonction de la taille de leur Produit intérieur brut (PIB). “Cela signifie, concrètement, qu’aujourd’hui, chaque Belge, enfant inclus, doit mettre 2 500 euros pour venir en aide aux pays qui en auraient besoin. Si ces pays devaient subir une nouvelle tourmente, la BCE a déclaré qu’elle leur viendrait en aide sur base de nouveaux prêts à court terme, pour autant que ces pays le demandent et signent une convention par laquelle ils s’engagent sur une voie de réformes budgétaires”, note Serge Wibaut.

Cet économiste envisage, dès lors, quatre scénarios.

Le premier est un scénario de croissance qui permettrait d’amortir les effets de cette crise. Or, la croissance suppose une augmentation de la productivité et de la population. “Nous ne connaissons aucun de ces phénomènes pour l’instant; donc, nous ne pouvons pas compter sur la croissance”, relève Serge Wibaut.

Un autre scénario qui est prôné est le retour de l’inflation qui devrait permettre à l’Etat de rembourser ses dettes existantes à des taux moindres. “Ce scénario est difficilement envisageable, car l’inflation lèse toute la population, des rentiers aux petits allocataires sociaux. De plus, on constate qu’historiquement, les crises d’endettement sont généralement suivies de périodes de déflation, et la BCE a choisi de maintenir une inflation basse. Une autre solution est d’envisager que les créanciers qui ont des dettes sur ces pays enregistrent leurs pertes. Mais, dans ce cas, ce sont les fonds de pension, les banques, les sicav qui enregistreront des pertes importantes“, note Serge Wibaut.

Il reste alors le scénario de l’austérité qui suppose un effort pour réduire les déficits publics et une récession. Les récents soulèvements en Espagne montrent à quel point un tel scénario est dangereux au niveau social et engendre un risque de montée des nationalismes et des populismes. “Cela va prendre certainement 10 ans pour effacer cette crise, et le paysage risque de fortement changer dans les années à venir. On pourrait assister à de drôles de mouvements, d’alliances entre pays. Il faudra certainement passer par un alourdissement de la pression fiscale. On ne peut raisonnablement pas prévoir de quoi seront faites les 15 prochaines années. Nous risquons de connaître une économie atone encore pendant longtemps“, estime cet économiste.

LaLibre.be

(*) Entretien complet de Serge Wibaut sur le blog d’Isabelle de Laminne, MoneyStore.be

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