La directrice d’une école de la région de Stavropol a interdit à des écolières musulmanes d’assister aux leçons tant qu’elles n’enlèveront pas leurs foulards. L’affaire a provoqué un scandale dans la région et suscite actuellement des débats très animés au niveau gouvernemental autant qu’au sein des familles. La presse participe activement au débat. Le Courrier de Russie a tenté de rendre la diversité des avis sur la question en sélectionnant pour vous des extraits, tirés du quotidien national Izvestia et du site pro-islam Slovo bez granitz.
Début octobre, dans l’école n°12 du village de Kara-Tioubé, oblast de Stavropol, plusieurs écolières musulmanes, venues en hidjab, n’ont pas été autorisées à assister aux cours. Les parents assurent que la directrice de l’école leur a posé une condition stricte : elles n’étudieront qu’après avoir enlevé les foulards.
— Ma fille est en sixième classe (équivalent de la 5ème, ndt), raconte Ravil Kaïbaliev, habitant du village de Kara-Tioubé. Quand elle est retournée à l’école en foulard, on lui a simplement claqué la porte au nez en disant qu’on ne la laisserait entrer que si elle enlevait sa parure. Mais dans notre religion, c’est inadmissible.
Outre la fille de Ravil, Maryam, quatre autres écolières ont été déclarées personæ non gratæ à l’école : Zarina Ioumartova, Zaguida Nassyrova, les sœurs Maryam et Zaïnap Guadjissoulaev. Elles ont entre 8 et 11 ans.
Les parents indignés ont adressé une requête au Parquet mettant en cause la directrice de l’école. Ils expliquent que leurs enfants s’en tiennent aux canons de l’islam, dont le hidjab fait partie. Les parents prient le Parquet d’enquêter pour savoir sur quel fondement les droits constitutionnels de leurs enfants à l’éducation gratuite ainsi qu’à la liberté de confession ont été enfreints.
Le Parquet est désormais chargé d’enquêter sur cette situation. On a demandé à la direction de l’école des explications sur les faits.
La directrice de l’école, Marina Savtchenko, réfute tous les griefs des parents indignés. Elle leur a confirmé que leurs enfants « ne seront pas acceptées en cours en foulards musulmans », vu que cela contredit les statuts de l’école, qui exigent de ne porter que des « vêtements laïcs ».
— Nous n’avons pas insisté pour qu’elles enlèvent totalement les hidjabs. Nous avons proposé de les remplacer par des fichus pendant que les filles sont en cours, a précisé la directrice à Izvestia.
Cependant, il n’a pas été possible de trouver un compromis. Savtchenko a raconté qu’une seule jeune fille était venue en cours avec un fichu, alors que les autres écolières « sont arrivées emmitouflées dans des châles si énormes qu’on aurait pu enfiler dessous au moins deux hidjabs d’un coup ». « Je considère que c’est inacceptable, c’est se moquer de nous », a déclaré Savtchenko.
La décision de la directrice de l’école a scindé en deux camps farouchement opposés les habitants d’abord du village, et ensuite de toute la région de Stavropol.
Dans le camp de Marina Savtchenko s’est retrouvée, pour une grande part, la population russe, et la communauté musulmane de la région et des républiques nord-caucasiennes voisines a pris parti contre cette idée.
La directrice affirme être désormais victime de menaces.
— J’ai déjà reçu un coup de téléphone du rédacteur d’un certain journal du Daghestan, a confié Marina Savtchenko. Il a marmonné son nom et sa fonction si indistinctement que je n’ai pas entendu. Immédiatement ensuite, il s’est mis à crier : « Pour qui tu te prends ? Comment oses-tu offenser et opprimer des musulmanes ?! »
— S’ils sont des musulmans si orthodoxes, pourquoi alors n’envoient-ils pas leurs enfants dans une madrasa au Caucase ? s’étonne Savtchenko.
Ils ont expliqué eux-mêmes, en réponse à nos questions sur le hidjab, qu’il faisait fonction de « protection contre les infidèles ». Mais pourquoi alors venir étudier aux côtés des infidèles ? (…)