Outre une chute de leurs ressources, les associations sont de plus en plus confrontées à la concurrence, et aux difficultés de renouvellement de leurs instances dirigeantes.
Après une période de développement sans précédent, le monde associatif bascule lui aussi dans l’austérité. Il doit, à l’instar des entreprises et autres instances publiques, rationaliser, mutualiser, effectuer des choix budgétaires difficiles. C’est ce que révèle une étude du cabinet Deloitte et de l’économiste du CNRS Viviane Tchernonog (1).
Jusqu’en 2010, la chute des subventions d’État était compensée notamment par l’aide des conseils généraux. Ce n’est plus le cas aujourd’hui : 80 % des associations déclarent devoir faire face à une raréfaction et à une transformation de leurs ressources.
Effectifs en recul et difficultés de gestion
Cela a inévitablement une conséquence sur l’emploi dans ce secteur qui embauche 2,8 millions de personnes. Pour la première fois de son histoire, le monde associatif a vu l’an dernier ses effectifs en recul, avec 26 000 salariés de moins.
En tout, 29 % des structures du secteur non marchand rencontrent des difficultés à conserver leur personnel ayant des qualifications nécessaires. Et 22 % évoquent l’impossibilité de leur assurer un niveau de rémunération suffisant. Une fragilité en entraînant une autre, 68 % des associations employeurs rencontrent des difficultés de gestion, souvent liées à un manque de réserves durables ou au délai de versement des subventions.
Viviane Tchernonog s’attend à voir le tissu associatif se réduire comme une peau de chagrin ces deux ou trois prochaines années. « Il y a de plus en plus de restructurations. Soit les associations sont obligées par les pouvoirs publics de se rapprocher, soit elles sont trop faibles pour continuer seules », explique la chercheuse.
Concurrence entre les associations
Le recours aux appels à projets de la part des financeurs publics a intensifié la compétition entre organisations. Selon l’étude, 43 % des associations connaissent des difficultés liées à la concurrence. Dans ces conditions difficiles, les candidats à un poste de responsabilité se font plus rares : 53 % des organisations ont du mal à renouveler leur direction.
« La solution réside notamment dans de meilleurs outils de gestion et de pilotage », poursuit Viviane Tchernonog. La spécialiste recommande aux petites associations de se mettre davantage en réseau pour partager des moyens ou des emplois. Autre levier : se rapprocher des entreprises pour recourir au mécénat de compétence. Ce qui suppose de vaincre des réticences culturelles.
Jean-Pierre Vercamer, associé services financiers et responsable du secteur associatif à Deloitte, suggère qu’en contrepartie de ces efforts, les partenaires financiers assouplissent leurs pratiques. « Ce qui me préoccupe le plus, c’est la judiciarisation croissante des affaires, qui condamne le secteur à maintenir un professionnalisme total dans tous les domaines », observe-t-il.
Explosion des états de cessation de paiement
En tant que commissaire aux comptes, cet expert constate une explosion des états de cessation de paiement et des lancements de procédures d’alerte ces derniers mois. À la Fondation de France, un tournant a déjà été amorcé. Dernièrement, l’organisation a décidé de lisser ses soutiens sur plusieurs années, de manière à assurer aux associations des ressources plus régulières. « Nous nous rapprochons aussi d’autres fondations, pour prendre le relais de subventions qui disparaissent ou partager le financement », explique Martine Gruère, responsable des solidarités à La Fondation de France.
Cependant, à moyen terme, estime Viviane Tchernonog, le monde associatif devrait reprendre sa croissance. D’une part, la prise en charge de la dépendance, avec le vieillissement de la population, devrait lui donner un coup de fouet. D’autre part, il y a fort à parier que les collectivités locales, dont les budgets sont à présent regardés de près, délégueront aux associations des missions à moindre coût. « Le risque est d’aboutir à un secteur qui se banalise sous l’effet de la commande publique, alors que l’une de ses forces repose dans sa capacité d’innovation », prévient la chercheuse.
Les intentions de dons fléchissent en 2012
Jusqu’ici, la générosité des Français a bien résisté à la crise. Au cours des six derniers mois, 87 % d’entre eux ont donné de l’argent, du temps, du sang ou effectué un don en nature, selon une étude de France générosités, syndicat professionnel des plus grands organismes faisant appel aux collectes. Cependant, 53 % prévoient à l’avenir de donner moins ou plus du tout. À l’inverse, seuls 3 % ont l’intention d’augmenter leurs dons.