Colonisation culturelle américaine, phénomène commercial, objet de cauchemars et de fantasmes, la fête d’Halloween a été successivement adulée et conspuée. Après quelques années de succès, elle est de moins en moins célébrée. Explications d’une résistance culturelle française.
Il y a quinze ans, pour combler un “vide” entre les grandes vacances et Noël, les marchands de festivités ont pensé qu’il fallait “importer” Halloween en Europe. La raison ? Créer un nouveau business et vendre toujours plus de produits de farces et attrapes. Le goût des européens pour les modes américaines est évident. L’envie de faire la fête – y compris pour elle-même, sans contenu – s’est développée. Le désir de se “changer les idées”, parfois à tout prix, ne cesse d’augmenter. Et donc, à partir de 1997, une bouture festivo-commerciale fut tentée en France. Bouture aidée par les écoles (sur le mode de la “culture américaine”) et aidée même par un timbre des postes françaises.
D’abord, il faut distinguer le Halloween “made in USA” de celui qui nous fut proposé. Aux Etats-Unis, cette fête est avant tout une fête de famille, de quartier, avec la collecte de bonbons et le déguisement “bon enfant” adopté pas tous. C’est une occasion de se retrouver pour mieux célébrer ce petit pouvoir des enfants qui “exigent” des friandises sous peine d’un “mauvais sort”. En France, comme dans d’autres pays européens (la Pologne par exemple), les marchands, pour mieux vendre leurs masques et autres produits estampillés, ont insisté sur le coté “gore”, sanguinolent , toile d’araignée et mondes effrayants. Les enfants devenaient des vampires, les adultes des sorciers. Il ne fallait plus s’amuser mais s’effrayer.
L’importance de la Toussaint explique également le rejet d’Halloween en France. Nos marchands pensaient qu’avec la perte des repères religieux, la Toussaint allait disparaître et serait remplacée par les défilés macabres des sorcières “halloweenisées”. Les villes en France, agents de promotion d’un ludique à profusion pour mieux tromper l’ennui de nos concitoyens, organisaient même des fêtes et faisaient pousser, à leurs carrefours, des potirons et autres chapeaux noirs. Or, ce qui devait disparaître n’a pas disparu. La Toussaint, avec ses visites des cimetières et ses recueillements des familles autour des tombes, reste une “fête”, une vraie fête massive (les médias ont tendance à l’oublier) où la mémoire des défunts est cultivée, évoquée, mise en commun. 58 % des français vont chaque année, ou une fois tous les deux ans, se recueillir auprès de “leurs” morts dans “leurs” cimetières. 58% ! 35 millions de français ! […]