La justice australienne a condamné l’agence américaine à indemniser des collectivités locales qui ont acheté dans des produits toxiques très bien notés. Une première et un jugement qui pourraient faire tache d’huile.
Serait-ce la fin de l’immunité des agences de notation ? Pour la première fois, l’une d’elles vient de voir sa responsabilité reconnue pour ne pas avoir bien estimé le niveau de risque attaché à un produit financier.
La justice australienne a condamné hier Standard & Poor’s à indemniser 13 collectivités locales qui ont perdu des millions de dollars australiens dans des produits toxiques qu’elle avait très bien notés, en leur attribuant un AAA. La Cour fédérale d’Australie a retenu plusieurs charges contre l’agence américaine : une notation « trompeuse », avec des « assertions inexactes et négligentes » et la publication d’ « informations fausses ». Pour le tribunal, ces municipalités ont cru que les évaluations de S&P sur deux produits reposaient sur des bases prudentes et solides, alors que « S&P savait que ce n’était pas vrai ».
Règles « bienveillantes »
Pour l’instant, les procès intentés n’ont pas abouti à des condamnations. Pour une raison simple : ils ont presque tous été engagés aux Etats-Unis, où les agences de notation bénéficient de règles « bienveillantes ». Comme elles délivrent de « simples opinions », elles s’abritent derrière le premier amendement de la Constitution américaine, garantie de la liberté d’expression.
Qui plus est, pour être reconnu responsable sous ce régime, le demandeur doit prouver que l’agence a l’intention manifeste de nuire ou qu’elle a agi en toute connaissance de cause et dans l’indifférence totale des conséquences de la diffusion de l’information. Ce qui est quasiment impossible.
En Europe continentale, il est peu probable que cette décision ait des répercussions : il faut que le plaignant prouve l’existence d’une faute, un préjudice et un lien de causalité. A moins que le Parlement européen, qui va engager de nouvelles discussions avec le Conseil demain, n‘impose ses vues. En effet, il demande une inversion de la charge de la preuve. En clair, que ce soit à l’agence de prouver qu’elle n’a pas commis de faute dans ses analyses et non au plaignant à démontrer une erreur manifeste.