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Entretien. La journaliste, agrégée de lettres, a écrit plusieurs essais sur l’école. Pour elle, il est urgent de se retrouver sur des valeurs communes.
De nombreuses agressions ont eu lieu dans les établissements scolaires depuis la rentrée. Comment expliquez-vous la multiplication de ces incidents ?
Les violences physiques restent rares mais, quoi qu’en disent certains sociologues (toujours les mêmes !), les remises en question de l’autorité sont incessantes. Il suffit d’interroger des professeurs expérimentés pour qu’ils le confirment ! Le problème, c’est que ces contestations exigent des enseignants une solidité qu’ils ne peuvent conserver sans le soutien de l’institution. Or ce soutien leur fait défaut. Pour s’imposer, l’autorité doit être légitime. Les enseignants tirent leur légitimité des savoirs qu’ils maîtrisent et qu’ils sont censés transmettre à leurs élèves. Or, le savoir étant remis en question par l’ensemble de la société, beaucoup d’élèves ne savent plus ce qu’ils font sur les bancs de l’école et les profs en viennent à douter de leur légitimité. Tout est fait pour les fragiliser dans leur formation. Je le jure, je l’ai entendu d’une formatrice en IUFM : « Vous avez autant à apprendre de vos élèves que vos élèves de vous » ! Les rôles sont inversés. Toutes ces fadaises affaiblissent les enseignants en semant le doute sur leur mission. Elles expliquent aussi le naufrage de tant de jeunes.
Cette crise de l’autorité peut-elle également expliquer des drames aussi sordides que le double assassinat d’Échirolles, par exemple ?
Avec Échirolles, on franchit un degré dans l’horreur, qui ne s’explique pas seulement par la crise de l’autorité mais par le délitement absolu de la civilisation. Il y a quelque chose d’inhumain chez les assassins de Kevin et Sofiane. Ce ne sont pas des révoltés, ce sont des jeunes qui ont grandi sans qu’on ne mette aucun frein à leurs pulsions. Ils n’ont jamais été éduqués. C’est l’éducation qui permet d’accéder à la conscience de l’autre – ce que l’on nomme l’empathie. Sans éducation, le petit de l’homme ne de vient pas pleinement humain. Nous avons régressé vers les temps barbares. La question est : “Comment, nous, adultes, avons-nous pu produire ça ? ” Comment avons-nous pu produire des Mohamed Merah ou des Youssouf Fofana, le chef du gang autoproclamé des “barbares”, l’assassin d’Ilan Halimi ? (…)
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