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Peu importe si le XXIème siècle sera religieux, ou non. Ce qu’on observe c’est qu’il est bien parti pour être le siècle des inégalités sociales. Et le Mexique peut s’en porter témoin. Quelques kilomètres seulement séparent le vieillard le plus riche du monde des villages indigènes. Du fil barbelé autour des universités privées, et un illettrisme extraordinaire. Analyse.

La fracture sociale qui gangrène le pays ne date pas d’hier. L’intellectuel allemand Humboltd observait au début du XIX que le Mexique était le pays de l’injustice. Les rapports socio-démographiques faits dans les années 1970 présentaient le Mexique comme l’un des pays les plus divisés d’Amérique Latine. En 2008, l’indice de mesure des inégalité sociales (GINI) présentait le pays comme l’un des plus inégalitaires.

Pourtant toujours très proche du modèle étasunien, les mexicains ont rarement abandonné le contrôle de l’économie au libéralisme sans règle. Même si les États-Unis ont réussi à décolorer la révolution de son socialisme, ils ne sont jamais parvenu à l’éradiquer complètement. Les monopoles d’État ont survécu à une bonne partie du siècle dernier, et notamment dans le domaine des énergies.

Les partis « sociaux-démocrates » (et notamment par le Parti Révolutionnaire Institutionnalisé) régissent le pays depuis la révolution de 1910. Pourtant, il semble que les mesures interventionnistes n’ont pas suffit à réduire les inégalités sociales.
Dysfonctionnement de l’État providentiel ou, au contraire, surchauffe du capitalisme d’État ?

San Andrès Cholula, dans l’État de Puebla, est le théâtre de cette violence symbolique. Cette municipalité de 80.000 habitants voit en son sein un des plus fort taux d’inégalités sociales du pays. Les paysans, qui représentent au Mexique la classe la plus démunie, entourent la forteresse de Angelopolis, ghetto de riche aux allures de Beverly Hills.
Un énorme centre commercial regroupe des boutiques de luxe et sur son parking, des enfants de 12 ans lavent des voitures. Et la prestigieuse « Université des Amériques », privée, attire la grande bourgeoisie des quatre coins du pays.
Rencontre avec le docteur Morales (nom d’emprunt), professeur et chercheur en sciences-politiques à la « Universidad de las Américas de Puebla » (UDLAP), mais aussi, habitant de San Andres Cholula.
O.B. : En tant que citoyen mexicain et habitant de cette ville, comment se perçoit le fossé social ?
Dr. Morales : Il ne se perçoit pas à vrai dire, bien qu’on y soit confrontés chaque jour. Ici, au Mexique, il est normal pour les classes moyennes d’avoir un ou plusieurs employés de maison, tous issus de la classe la plus défavorisée. Les inégalités sociales impliquent des inégalités de revenus : la main d’œuvre pour les tâches les plus basiques est très peu rémunérée. Un œil neuf est nécessaire pour voir ce qui est une habitude pour les mexicains.
O.B. : Vous mentionnez la classe moyenne. Pourtant les indicateurs indiquent bel et bien que l’écart social ne laisse pas d’espace à l’existence d’une telle classe.
Dr. Morales : C’est juste dans un sens. Mais l’inégalité sociale ne signifie pas la pauvreté, bien que les deux termes sont toujours utilisés ensemble. La classe moyenne est en expansion, les indicateurs d’accès à la consommation le montrent. Pour l’instant elle ne représente qu’une minorité. Le changement est lent.
O.B. : Quels sont les obstacles à la réduction des inégalités ?
Dr. Morales : La dispersion géographique isole les villages indigènes, parfois très éloignés des villes. Aussi, je dirais que la corruption joue un rôle néfaste dans les politiques publiques. Enfin, il faut savoir que le Mexique vient d’en finir avec sa transition démographique. Le pays a vu, ces dernières années, croître sa population bien plus vite que son économie. Les services publiques, comme l’éducation, a beaucoup souffert de cette transition, puisqu’elle a dû sacrifier la qualité au profit de la quantité.
Au Mexique, il est normal pour les classes moyennes d’avoir un ou plusieurs employés de maison.
L’hypocrisie est générale, jusqu’à dans la tête de ce savant docteur, qui appelle « classe moyenne » la bourgeoisie des villes, descendants des colons espagnols, et bien entendu dispensés de métissage avec les populations indigènes qui travaillent pour les servir. La couleur de peau est fortement corrélée avec le niveau social.
Jusqu’à être réduit à la banalité, l’injustice sociale n’est pas, ou plus choquante au Mexique. Et même si les inégalités diminuent, et que le discours politique change, elle reste la principale cause de la violence de cette société. Et pas seulement symbolique. Le Mexique connaît une période d’insécurité extraordinaire. La guerre contre le Narcotrafic rivalise avec le conflit en Irak en nombre de morts, et le marché noir a inondé la société d’armes à feu américaines.
L’État, ici, c’est le problème et la solution. Pour réduire les inégalités, un État capitaliste, peut suivre une politique « providentiel », et repartir plus ou moins la richesse, via ses institutions. C’est le modèle (théorique) français. Ou au contraire se retirer et laisser se réguler le marché, en intervenant ponctuellement pour rompre les cartels ou les monopoles. C’est le modèle davantage anglo-saxon.
Au Mexique, les gouvernements successifs ont développé un système bâtard. L’État ne répond ni aux besoins de la population, le service publique est médiocre ; ni aux prétendues vertus de la libre concurrence. Il est juste l’outil d’un capitalisme sauvage qui permet aux puissances occidentales d’accéder à une main d’œuvre peu chère et docile. Et au passage, installer une oligarchie corrompue aux commandes de puissants monopoles.
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