Le regain de la production pétrolière américaine risque de s’essouffler d’ici cinq ans, affirme Olivier Rech, directeur de la recherche chez Energy Funds Advisors. La facture énergétique, qui pèse lourd dans l’endettement des pays importateurs, risque de s’alourdir.
Les Etats-Unis pourraient stopper leurs importations de pétrole à moyen terme, les pays de l’OCDE consomment moins de pétrole, affirme l’Agence internationale de l’énergie. Va-t-on vers une détente du marché pétrolier mondial ?
Je ne pense pas qu’un tel regain puisse avoir un effet important au delà de l’Amérique du Nord après 2015/2017. A moyen terme, la production pétrolière américaine restera inférieure à ce qu’anticipent la plupart des analystes du secteur énergétique. Le pays ne devrait pas retrouver ses niveaux records de production qui datent des années 70. Le potentiel de croissance provient en effet essentiellement des huiles de schistes et de réservoirs compacts, dont la production va rapidement être sous contrainte.
Pour la maintenir durablement, la multiplication du nombre de puits sera nécessaire, ce qui va être d’abord difficile puis insuffisant.
Quant à l’extraction de pétrole conventionnel, elle est en déclin depuis 40 ans à terre, et dans le Golfe du Mexique, elle est proche d’un plateau. Elle va commencer à décliner d’ici cinq ans. La production nord américaine contribuera de façon positive à l’économie régionale mais ne changera pas la face du monde. Ce dynamisme risque de s’essouffler d’ici 5 ans.
Mais quelle sera la conséquence de la baisse de la demande des pays de l’OCDE ?
Certains considèrent que le marché pétrolier mondial reste équilibré car la demande évolue moins vite que par le passé. C’est la théorie du “pic de la demande” qui viendrait atténuer le déclin de la production pétrolière (“peak oil“). Les tenants de cette théorie affirment que les Etats-Unis et l’Europe de l’Ouest en particulier sont engagés dans des mouvements de baisse vertueux de leur consommation de pétrole grâce à des gains d’efficacité énergétique, un changement de comportement des consommateurs, des politiques de substitution du pétrole par d’autres énergies…Je ne suis pas du tout d’accord avec cette vision. Aucun grand pays consommateur n’est à ce jour engagé dans la voie qui pourrait mener à une évolution du marché pétrolier par “Peak Demande“.
Si la demande de pétrole des grands pays importateurs baisse depuis environ 5 ans, c’est le reflet de la récession économique qu’ils traversent et qui est elle-même liée à leur dépendance énergétique. La facture énergétique a ponctionné au fil du temps les revenus de ces pays. Il est nécessaire de comprendre que la totalité de leur croissance économique depuis plus de 20 ans repose sur un accroissement quasi identique de leur dette souveraine et que celle-ci correspond à la valeur des importations nettes d’énergie, particulièrement depuis le début de la hausse du prix du baril en 2000.
Le diagnostic est évident : toute la dette accumulée depuis 20 ans a permis d’importer à crédit l’énergie qui a servi à produire une croissance économique factice.
Les prix vont-ils fléchir sous l’effet de cette baisse de la consommation ?
En premier lieu, il convient de reconnaître que sans les 1,5 million de barils/jour fournis par le pétrole de schiste nord américain, le marché mondial serait encore plus tendu et le pétrole serait singulièrement plus cher aujourd’hui ! Pour autant, la production pétrolière ne va pas suffisamment croître à moyen terme pour faire face à l’ensemble de la demande mondiale. Les prix ne pourront donc pas se détendre comme l’anticipent beaucoup d’analystes qui constatent qu’aujourd’hui, le prix du pétrole à cinq ans est proche de 90 dollars le baril. Au contraire, les pays importateurs sont exposés à un risque très fort de poursuite de la hausse de leur facture énergétique.
Vers 2015/2017, il existe un fort risque de basculement des prix tirés aujourd’hui par les coûts de production, vers un niveau bien supérieur, qui sera guidé par la valeur d’usage pour le consommateur. Si les pays importateurs n’ont toujours pas initié de politiques économique et énergétique qui visent à réduire leur dépendance énergétique, ils seront incapables de juguler leurs dettes.