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Elle était aussi seule que peut l’être une adolescente de 15 ans. Peu d’amis, pas de petit copain, des liens distendus avec une famille décrite comme “fragile”. Craintive et seule dans le morne décor de briques rouges du quartier d’Heywood, celui des “petits Blancs” pauvres de Rochdale, ancienne ville ouvrière à une vingtaine de kilomètres de Manchester, dans le nord-ouest de l’Angleterre.

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Cette nuit d’août 2008, “Girl A”, comme elle sera désignée plus tard lors d’un procès dont l’écho continue de faire trembler les fondements du multiculturalisme britannique, avait bu pour se donner du courage. Au Balti House, un petit kebab-épicerie de la grand-rue d’Heywood, le ton monte entre l’adolescente et deux des hommes qui la violent régulièrement depuis plusieurs semaines, Kabeer Hassan, 25 ans, et Shabir Ahmed, 59 ans. Les deux sont des employés du Balti House, et quand Girl A brise la vitre du comptoir de la petite boutique, ils ne craignent pas d’appeler la police.
En garde à vue, Girl A peut enfin parler. Pendant six heures, elle raconte son calvaire. Un mois auparavant, elle a commencé à fréquenter un groupe d’hommes qu’elle retrouve au Balti House ou au Saleem’s Kebab House. Ils sont bien plus âgés qu’elle, souvent pères de famille, chauffeurs de taxi ou employés de fast-foods : des hommes installés. Ils la traitent avec considération, lui offrent des cigarettes, de la nourriture, de l’alcool, piochés dans les réserves du magasin. La nuit venue, ils la raccompagnent en taxi, gratuitement.
Rapidement, vient le moment de “payer”. Shabir Ahmed, le chef du groupe, emmène Girl A, saoûle, dans un appartement abandonné au-dessus du magasin. “Je t’ai payé de la vodka, tu dois me donner quelque chose.” La jeune fille résiste, elle est violée par Shabir Ahmed. Les agressions se poursuivent jusqu’à l’épisode du Balti House, trois semaines plus tard. (…)
Le dossier n’est rouvert qu’à l’été 2009. Lors du procès, qui se tient en mai 2012 à Liverpool, cinq victimes témoignent, sur les 47 identifiées par la police.

L’une raconte avoir été violée par vingt hommes la même nuit. Une autre décrit une soirée passée à vomir sur un canapé pendant que deux hommes abusent d’elle.

Une autre encore, 13 ans au moment des faits, que les viols ne cessèrent que lorsqu’elle tomba enceinte d’Adil Khan, 42 ans. Neuf hommes sont condamnés, pour les faits de viol, agressions sexuelles ou conspiration commis entre 2007 et 2009, à des peines allant de quatre à dix-neuf ans de prison pour Shabir Ahmed, considéré comme le chef du groupe, celui-là même qui intimait à ses victimes : “Call me Daddy !”

A l’exception d’un demandeur d’asile afghan, tous sont d’origine pakistanaise. Toutes les filles sont blanches.

L’équation est aussi froide et simple qu’explosive, dans un Royaume-Uni en proie au doute sur son modèle multiculturel. Et c’est le procureur grâce auquel le dossier a été rouvert, Nazir Afzal, plus haut magistrat d’origine pakistanaise du royaume, qui s’est fait un nom en luttant contre les mariages forcés dans la communauté pakistanaise, qui donne le ton : “Il s’agit avant tout d’une question de genre, d’hommes qui croient qu’ils peuvent faire ce qu’ils veulent de femmes vulnérables. Mais vous ne pouvez pas non plus faire l’impasse sur le facteur racial. C’est l’éléphant au milieu de la pièce.”
Dans les semaines suivant le procès, les médias égrènent les noms de villes où des gangs similaires à celui de Rochdale sont démantelés : Nelson, Oxford, Telford, High Wycombe… Et, fin octobre, c’est à nouveau à Rochdale qu’un groupe de neuf hommes est appréhendé. Chaque fois, les violeurs sont en grande majorité d’origine pakistanaise.
Les micros se tendent vers les associations ou les chercheurs spécialisés dans la lutte contre les abus sexuels.

Selon leurs conclusions, entre 46 % et 83 % des hommes impliqués dans ce type précis d’affaires – des viols commis en bande par des hommes qui amadouent leurs jeunes victimes en “milieu ouvert” – sont d’origine pakistanaise (les statistiques ethniques sont autorisées en Grande-Bretagne). Pour une population d’origine pakistanaise évaluée à 7 %. (…)

Pour Ann Cryer, ancienne députée de Keighley, une circonscription voisine, aucun doute n’est permis : police et services sociaux étaient “pétrifiés à l’idée d’être accusés de racisme”.

Le ministre de la famille de l’époque, Tim Loughton, reconnaît que “le politiquement correct et les susceptibilités raciales ont constitué un problème”.

L’air est d’autant plus vicié que, à l’audience, Shabir Ahmed en rajoute dans la provocation.

Il traite le juge de “salope raciste” et affirme : “Mon seul crime est d’être musulman.” Un autre accusé lance : “Vous, les Blancs, vous entraînez vos filles à boire et à faire du sexe. Quand elles nous arrivent, elles sont parfaitement entraînées.” (…)

Le Monde
Lire : Bienvenue à Rochdale, Angleterre occupée, 2012 (Bd Voltaire)

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