Condamné à mort par l’État iranien après la publication de son livre « Les Versets sataniques » en 1989, l’écrivain, qui vit désormais à Londres, vient de publier son autobiographie
C’est entouré de six gardes du corps que Salman Rushdie fait la promotion de son autobiographie en France. Dans Joseph Anton, l’écrivain raconte son parcours sous ce nom d’emprunt qu’il ne veut plus porter. En 1989, après la sortie des Versets sataniques, l’ayatollah Khomeiny, ancien guide spirituel de l’État iranien, avait appelé à son exécution. Depuis, sa vie est en sursis. (…)
On imagine que revenir sur votre vie et ces années qui ont suivi la fatwa* a dû être douloureux…
« C’est pour cette raison que j’ai attendu aussi longtemps avant d’écrire. Je savais que retourner dans cet « espace noir » me rendrait malade. Pour autant, écrire ce livre n’était pas un exorcisme. J’ai tout gardé pour moi pendant vingt ans et puis je me suis dit qu’il fallait que je raconte ce qu’il s’est passé. »
Quels ont été vos soutiens les plus marquants pendant toutes ces années ?
« Beaucoup d’écrivains m’ont soutenu. Ce fut longtemps plus difficile avec les hommes politiques, qui ne voulaient pas prendre de risques en matière de politique étrangère. Mais, en France, que cela soit à droite ou à gauche, beaucoup de personnalités politiques m’ont rencontré. L’exception a été Mitterrand. Il ne voulait absolument pas être impliqué. J’ai rencontré beaucoup de politiques français, mais pas Mitterrand. C’était devenu une plaisanterie : “toute la France, à l’exception de Mitterrand”. » (…)
En septembre, il y a eu l’épisode Innocence of the muslims, ce film qui a mis le feu aux poudres…
« Je n’étais pas impliqué dans ce film ! (rires) Mais il y a deux choses. La première c’est que ce film a été clairement conçu pour blesser les gens. La deuxième, c’est qu’il est complètement stupide de s’emporter à cause d’un film qui a justement été conçu pour ça ! Je veux dire par là que c’est une réaction immature, alors qu’il y a tant d’autres attaques contre les religions. Les Monthy Python ont réalisé une satire sur le christianisme, Woody Allen a traité de manière satirique la religion juive, mais le monde ne s’est pas embrasé pour autant. Il faut que les populations de l’islam apprennent à rire de ce genre d’approche, sans quoi elles n’entreront jamais dans le monde moderne. La nature d’une société ouverte, c’est le désaccord, le débat d’idées. » (…)
L’Est Eclair