[extraits]
Quand Fatim est arrivée au Maroc pour entamer ses études de droit à Rabat, elle s’attendait à une belle aventure. Mais, pour la Guinéenne de 20 ans, sa vie d’étudiante s’est muée en un traumatisme qui la pousse à quitter le pays. La raison: le racisme.
En quatre ans, Fatim ne s’est pas faite un seul ami local et a connu plusieurs agressions. «Vous êtes Africains, vous êtes des Noirs», lui a-t-on souvent lancé tandis qu’elle arpentait les rues avec ses amis africains.
En 2009, en milieu d’après-midi, elle se retrouve encerclée par six jeunes hommes qui la dépouillent, la battent, couteaux à la main.(…) Nouvelle agression. On la traite de «azia» (noire ou négresse en français) en lui mettant les pieds sur le visage et le ventre.
«Les Marocains se considèrent comme des Blancs. Ils n’aiment pas la peau noire. Je ne m’attendais vraiment pas à ça», confie l’étudiante, toujours sous le choc. «À la fac, c’est très difficile. Certains profs donnent les cours en arabe et refusent de parler français. Quand on leur dit qu’on ne comprend pas la langue, ils nous disent méchamment de nous adresser à nos voisins ».
Quotidiennement, elle se fait insulter, en pleine rue, par des enfants, des adolescents et même des personnes âgés: «singe», «négresse», «sale Africaine» ou encore «esclave».
Son amie, Awa, elle aussi guinéenne, est arrivée au Maroc pour des études d’ingénieur. Quotidiennement, elle se fait insulter, en pleine rue, par des enfants, des adolescents et même des personnes âgées: «singe», «négresse», «sale Africaine» ou encore «esclave».
«Je me suis faite agressée deux fois. La première fois, c’était à Casablanca, alors que j’attendais le bus. Un jeune homme est venu m’arracher mon sac en me traitant de négresse et de singe.»
Mais pourquoi ces jeunes étudiants ne vont-ils pas porter plainte?
«Quand les policiers nous insultent eux-mêmes, je ne vois pas trop ce qu’ils peuvent faire pour nous. C’est peine perdue», répond un autre étudiant Béninois installé depuis cinq ans au Maroc.
«Quand les Africains arrivent au Maroc, ils s’investissent beaucoup plus dans les études. Certains professeurs ne veulent pas que les étudiants marocains soient dominés par des Noirs, alors ils ne nous notent pas plus de 11 sur 20 quelle que soit la qualité de notre travail», dénonce-t-il. (…)
«Si le pays a évolué, les mentalités restent archaïques. Les Marocains considèrent toujours les Noirs comme des esclaves», reprend Awa.
(…) Pour son ami béninois, il faut temporiser les choses. «Tous les Marocains ne sont pas racistes. Il ne faut pas exagérer. Et moi je n’en veux pas aux journalistes de Maroc Hebdo qui parlent du “péril noir”. Beaucoup d’immigrés africains foutent la merde ici, en attendant de pouvoir partir pour l’Europe», analyse-t-il.
«Tous les Marocains ne sont pas racistes. Je n’en veux pas aux journalistes de Maroc Hebdo qui parlent du “péril noir”. Beaucoup d’immigrés africains foutent la merde ici, en attendant de pouvoir partir pour l’Europe»
«Les Africains subsahariens présents au Maroc sont soient des clandestins, des “débrouillards” qui travaillent au noir dans les centres d’appel ou des étudiants», explique Iriébi, un étudiant Ivoirien en gestion. (…)
Pour Souleymane, qui a quitté le pays il y a tout juste un an pour retrouver son Sénégal natal, la négrophobie se fait plus sentir à Fès ou Agadir qu’à Casablanca.
«Oui, je me suis fait traiter de cafard, j’ai essuyé des regards méprisants dans la rue, on m’a jeté des sachets d’eau sur la tête, mais en tant que sénégalais, je me suis toujours senti mieux loti. Les Sénégalais sont des musulmans très pratiquants, et ça aide à se faire accepter», raconte le jeune homme de 23 ans. (…)
Iriébi, lui, préfère jouer l’indifférence. «Si ça les amuse que ma peau soit noire, je rigole désormais avec eux». Binta aussi aurait voulu rire le jour où, juste après la prière du matin, elle est sortie faire quelques pas et a croisé sur son chemin un vieillard visiblement mal en point. Ce dernier a refusé son aide et quelques minutes après, s’est soudainement mis à rire à gorge déployée en la traitant de «négresse».
Un vieillard s’est soudainement mis à rire à gorge déployée en la traitant de «négresse».