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Surnommés «les brouteurs d’Abidjan», des cyberescrocs séduisent leurs victimes, les poussent à se dénuder devant leur webcam avant de les faire chanter. Un business qui a rapporté 21 millions d’euros en 2010.
Elle se faisait appeler « Panthère noire du désert ». Se présentait comme une jeune femme d’une vingtaine d’années, originaire de Nancy, et selon les photos, arborait une longue chevelure blonde. Thibault (le prénom a été modifié), la trentaine, divorcé, chattait avec elle depuis plusieurs jours. Attentive, elle l’interrogeait sur sa vie sentimentale, son travail, etc. Un soir, leurs échanges se font plus intimes, et quand la «Panthère noire du désert» s’effeuille devant sa webcam, Thibault fait de même. « Je vais au bout du trip, et tout à coup, je reçois des dizaines de messages me demandant de payer 200 euros si je ne veux pas que la vidéo soit envoyée à mon ex-femme, sur Facebook, Youtube, à mon patron…Partout quoi ! »
Thibault, comme des dizaines d’internautes chaque jour, s’est fait piéger par un arnaqueur à la webcam. Les photos et les vidéos de « Panthère noire du désert » étaient des extraits prélevés sur d’autres sites, et Thibault un « mougou », un pigeon dans le jargon des arnaqueurs. Thibault a refusé de payer et ignoré les messages de la panthère noire. Mais « certains payent jusqu’à 10.000, 20.000, ou même 50.000 euros », affirme Annie Roser, vice-présidente de l’association Aven Europe, qui prend en charge les victimes de ces arnaques. Car une fois que le « mougou » accepte de payer, un engrenage infernal se referme sur lui. Après le chantage à la vidéo, il reçoit de fausses lettres officielles lui sommant de régler une amende, arguant que la personne avec qui il a chatté était mineure et qu’il est coupable de pédophilie. Les documents sont grossiers et pleins de fautes d’orthographe, mais la victime, souvent honteuse, ne demande pas d’aide et devient une proie facile.
« Ils ne reculent devant rien, emploient des mots très violents, téléphonent plusieurs dizaines de fois par jour, explique l’avocat Lionel Febbraro, qui a défendu plusieurs victimes de ce type d’arnaque. Le fils d’une de mes clientes a reçu une vidéo d’elle nue! L’escroc lui disait qu’il allait “détruire sa vie, qu’elle n’était plus rien, qu’elle était morte.” » Des menaces d’une violence telle qu’elles ont déjà conduit plusieurs personnes au suicide. A Brest, un adolescent s’est pendu en octobre après avoir été victime de chantage à la webcam. C’est le troisième suicide connu à cause de ces arnaques.
De l’autre côté de l’ordinateur, se cachent des professionnels de l’arnaque. On les appelle les brouteurs d’Abidjan car un grand nombre d’entre eux officient depuis la Côte d’Ivoire. Brouteur, en référence au mouton, qui se nourrit sans effort.
(…) Le Figaro

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