François Hollande a récemment déclaré que la crise de la zone euro « était derrière nous ». Partagez-vous son optimisme ?
Non. Nous nous trouvons dans la première moitié de la crise. Le pire est peut-être à venir. Les fondamentaux de l’économie se dégradent mois après mois, avec un profond déséquilibre dans le monde développé entre un fort niveau de consommation et un faible niveau d’épargne, cause principale de la crise.
La baisse de la croissance du PIB se poursuit. Les problèmes de dette en Europe ne sont toujours pas résolus, notamment en Grèce.
Les autorités européennes se sont-elles attaquées aux problèmes en profondeur ou juste en surface ?
Elles ont repoussé les problèmes à plus tard. La Banque centrale européenne a fait ce qu’il fallait. Mais la suite dépend aujourd’hui avant tout des gouvernements : y aura-t-il une vraie volonté de soutenir sérieusement les pays en difficulté ? Politiquement, pour l’Allemagne en particulier, c’est très difficile d’aider les pays ayant transgressé les normes économiques.
Fatalement, pour assurer la reprise de la croissance, se posera la question de l’annulation de la dette grecque et non simplement son étalement dans le temps. Cela sera douloureux. Mais la sortie de la Grèce de l’euro serait un scénario encore pire, provoquant la détérioration plus rapide dans d’autres pays. L’Espagne et l’Italie, qui inévitablement auront besoin d’aide, sont déjà en danger. Le départ de Mario Monti ne ferait qu’empirer la situation.
Vu de Moscou, les occidentaux ont-ils compris que l’économie mondiale après la crise sera différente ?
La stagnation économique dans les pays développés va se poursuivre pendant encore de huit à dix ans. Cela va rendre plus difficile la poursuite de la modernisation de ces économies, qui ont, depuis le début de la crise, épuisé beaucoup de ressources et de marges de manœuvre pour les réformes. Et le climat de confiance de la population s’est détérioré.
Cela réduit d’autant plus les chances d’une sortie rapide de la crise. Les Brics se porteront mieux, avec des croissances plus élevées. La Russie sera un peu en retrait, avec des taux de 3,5-4 % par an. Cela pourrait s’accélérer si des réformes sont menées.
Quelles réformes devraient être menées en Russie d’ici à cinq ans ?
Avant tout, la priorité macroéconomique est de limiter l’inflation à 2-3 %. Cela suppose d’utiliser de manière très prudente les revenus de la vente de pétrole et de s’imposer de strictes règles budgétaires.
Une baisse du prix du baril de pétrole provoquera-t-elle des changements en Russie ?
Un baril à 100 dollars reste pour nous moins une chance qu’une menace car il n’incite pas aux réformes. Le prix du pétrole va baisser pour atteindre, d’ici à un an, probablement 80 dollars le baril. C’est un niveau critique pour l’équilibre de notre budget, qui oblige à faire des coupes et à augmenter des impôts. Cela aura aussi un impact social et donc politique sur les prochaines élections.
A quelles conditions seriez-vous prêt à devenir Premier ministre de Vladimir Poutine ?
Je ne peux pas répondre à cette question. Après la vague de contestation, le pouvoir a dû changer. Il a compris qu’il faut plus de concurrence politique. Depuis, il y a eu des petits pas en avant, comme les nouvelles règles plus libérales sur les partis. Et des petits pas en arrière, comme la législation plus restrictive sur les ONG.
Le dialogue avec la société civile n’a pas encore eu lieu mais le paysage politique a bel et bien mûri. Il faut un nouveau grand Parti libéral en Russie. Je suis prêt à aider. Mais, pour le moment, je ne veux ni le créer ni le diriger. J’aide autrement, en participant au débat et en proposant des réformes libérales.
Les Échos