C’est la cohue près du foyer Bara, à Montreuil (93). Près de 80 Maliens arrivent d’un peu partout, vêtus, pour la plupart, d’un manteau Wati B. Un cadeau de Dawala, producteur et manager du groupe Sexion d’Assaut pour ces réfugiés, arrivés en France avec presque rien sur le dos. Ces hommes attendront une heure avant de rejoindre le squat du soir : une école désaffectée.
Il leur faudra patienter 20h30 pour investir l’école. Chaque soir, le même rituel. Les migrants installent leurs sacs de couchages dans les salles de classes. Une odeur de peinture fraiche sature l’air ambiant. Puis, ils se réunissent tous pour l’appel. « Il faut être sûr que tout le monde est bien là. Qu’aucun accident n’a eu lieu. Et éviter que d’autres viennent profiter de la situation pour s’incruster » raconte Baba Traoré, délégué des 80 réfugiés. Vient alors le ravitaillement : « la Brigade Anti Négrophobie veille à nous apporter à manger. » Ne seront distribués que des aliments non-périssables comme des barres céréalières ou des boites de conserves.
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« On nous a expliqué que la municipalité avait déjà beaucoup œuvré pour les Roms et les foyers africains. D’après eux, Montreuil ne peut pas accueillir toute la misère du monde. Et la meilleure solution serait d’aller toquer à la porte d’une autre ville. »
« Ce n’est pas dans les attributions des villes de gérer le logement des réfugiés politiques, affirme Claude Reznik, délégué à la coopération internationale et aux populations migrantes à la mairie de Montreuil. Nous n’avons pas les compétences nécessaires. C’est à l’État de s’en charger. 6000 personnes sont en attente d’un logement sur Montreuil.”
« Ces Maliens ont fui la Libye il y a un mois, explique Almamy Kanouté, conseiller municipal à Fresnes. Depuis la fin de l’intervention de la communauté internationale en mars 2011, les Noirs sont massacrés dans ce pays. Kadhafi s’était entouré de mercenaires noirs africains. À sa mort, une partie de la population libyenne s’est retournée contre tous les citoyens de couleur. Les 80 migrants souhaitaient retourner au Mali. Mais l’invasion du Nord du pays, par les islamistes, a poussé ces migrants à se tourner vers l’Europe.
Ils ont d’abord débarqué en Italie, puis en France. Nous occupons cette école sans attendre l’aval de la municipalité de Montreuil. Cécile Duflot, ministre du logement, disait bien dans son discours qu’il fallait réquisitionner les lieux et espaces pour les personnes dans le besoin.
C’est le cas pour eux. Si cette situation s’était présentée dans une autre ville, nous aurions fait la même chose. »
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Une détresse partagée par Baba dit Issa Togola, 19 ans : « Tout ce que je voulais, c’était fuir la Libye. Nous ne sommes plus en sécurité là-bas. Mon meilleur ami a été tué sous mes yeux.
Je ne pensais pas qu’on se retrouverait à la rue en arrivant en France. »