Président du groupe libéral et démocrate (centriste) au Parlement européen, Guy Verhofstadt est auteur, avec Daniel Cohn-Bendit, de Debout l’Europe ! Manifeste pour une Europe postnationale. Ancien Premier ministre de Belgique (1999-2008), il plaide pour la multiculturalité sur le Vieux Continent, contre les nostalgies identitaires dangereuses, et estime que «le seul moyen de vaincre la crise est de faire un saut fédéral».
Avec Daniel Cohn-Bendit, dans Debout l’Europe, nous avons réussi à diffuser l’idée qu’au niveau national, la souveraineté ne veut plus dire grand-chose : elle ne peut que passer par l’échelon européen.
Après soixante ans de construction communautaire, l’Europe ne semble toujours pas en avoir fini avec les nationalismes, comme le montrent les velléités indépendantistes en Catalogne, Flandre, Ecosse…
En période de crise économique, ce n’est pas seulement le nationalisme qui se renforce, mais aussi le racisme, la xénophobie, le protectionnisme. Car une partie des citoyens, celle qui est la plus exposée à la crise, a le sentiment que les causes sont à chercher à l’extérieur du pays : le responsable, c’est l’autre, l’étranger, et on peut s’en protéger en se réfugiant derrière des frontières nationales étanches. Car le mythe de l’Etat protecteur a la vie dure. Et, comme toujours, on trouve des politiciens qui surfent sur cette vague populiste et l’alimentent en la légitimant. […]
Avant l’ère des nationalismes au XVIIIe siècle, l’Europe était infiniment plus multiculturelle qu’elle ne l’est aujourd’hui. Elias Canetti, écrivain d’expression allemande né en 1905 à Roustchouk, en Bulgarie, mais parlant à la maison le ladino, l’espagnol des juifs séfarades, en fait un résumé saisissant dans son autobiographie […].
Les nouvelles puissances qui vont dominer le XXIe siècle sont multiculturelles et déjà structurées au niveau continental. Le défi, pour l’Europe, c’est aussi de s’organiser à cet échelon pour peser dans le monde globalisé et de renouer avec ce multiculturalisme interne qu’on a détruit au XXe siècle.
Cette Europe multiculturelle a été détruite par la Shoah, mais aussi par l’expulsion, en 1945, des minorités allemandes, dont on parle très peu : elle a touché 12 millions de personnes, dont plus de 3 millions ont péri en chemin. L’Europe a perdu sa force à ce moment-là. Les Einstein, les Canetti, les Kafka ne sont plus possibles aujourd’hui. L’Union, ce n’est pas 27 ou 30 Etats monoethniques. […]
Libération (Merci à julius tomatojus )