Pour Jean Bauberot, historien de la laïcité et professeur émérite à l’École pratique des hautes études, il «faut repenser la laïcité». Il faut revenir à l’esprit de tolérance de la loi de séparation des Églises et de l’État pour contrer une nouvelle forme de laïcité actuelle, qu’il juge discriminatoire et contre-productive.
Dans leur immense majorité, les musulmans de France ne sont pas contre la laïcité, ils sont contre le fait que celle-ci, falsifiée, les vise en particulier, donc les stigmatise.
Depuis quelques années, la droite dure et l’extrême-droite se veulent les champions de la laïcité, or il s’agit d’une laïcité falsifiée. Nous avons eu le «débat sur la laïcité» de l’UMP, les propos de Marine Le Pen sur l’interdiction de la kippa et du foulard dans la rue et ceux de Jean-François Copé sur le «pain au chocolat».
Aujourd’hui, le projet de la Droite forte, principale tendance de l’UMP, vise à interdire les minarets comme signes de «prosélytisme dans l’espace public» à conditionner la construction de mosquées à la signature d’une «Charte républicaine», à ajouter le mot «Laïcité» à la devise «Liberté, Égalité, Fraternité» et, ce qui explique cette inflation, à préciser dans la Constitution : «La France est une République laïque de tradition chrétienne» ! […]
Elle est discriminatoire car elle apparaît à géométrie extrêmement variable. Même ceux qui, à gauche, prétendent se situer dans une logique égalitaire savent que leurs propositions intransigeantes n’auront pas d’application identique suivant les religions. Tout le problème est là. […]
C’est en quoi cette nouvelle laïcité est contre-productive. Il faut isoler les extrémistes et les rendre peu attractifs. Or, par calcul électoral ou par manque d’intelligence, on s’acharne depuis des années à produire un ressenti victimaire chez les musulmans qui pratiquent tranquillement leur religion. On déconsidère la laïcité à un point tel que, quand il entend ce mot, un musulman peut penser : «Qu’est-ce qui va encore me tomber dessus !» On voudrait favoriser l’extrémisme que l’on n’agirait pas autrement. […]
Le Nouvel Obs