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On a beaucoup entendu parler des “dysfonctionnements” – pour reprendre un mot du rapport de la Cour des comptes, trop cité, sans doute – dans la gestion de Sciences Po. Sans relâche a été mise à bas la statue de celui qu’on avait jadis adoré, son défunt directeur.
Cependant, avec la situation de Sciences Po, nous assistons à l’alourdissement de l’héritage d’une méthode de gestion considérée, semble-t-il, comme trop légère. Nous vivons le “fixement” d’une vision universitaire qui existait essentiellement dans le mouvement. La fixer, arrêter le mouvement, c’est arrêter la vie. Arrêter la vie de Sciences Po, la ralentir en tout cas, touche un public également restreint a priori – celui des diplômés issus de cette institution.
Mais il en est tout autrement : alors que les universités françaises peinent à se repenser, prises dans les pièges de leur propre mission démocratique, alors que les grandes écoles, pour leur part, ne parviennent guère à s’extraire de leur extrême élitisme ; alors que certaines institutions acceptent la fatalité qui fait d’elles les centres de formation en France du marché du travail international, tandis que d’autres s’enferment dans le refus du monde dans lequel nous vivons ; dans ce contexte critique s’est fait sentir la nécessité de concevoir un nouveau modèle. Un modèle ouvert sur le monde, en même temps qu’aux prises avec les points de tension de la société française, fondé sur la compréhension du fait que la diversité peut être une politique universitaire.
Un modèle qui puisse, par sa flexibilité et sa créativité, servir de partenaire pour les autres universités d’envergure mondiale. Ce modèle a été celui de Sciences Po, au temps de Richard Descoings. Et il n’est pas vain que deux de ses directeurs adjoints aient été de grandes figures du savoir international : Hervé Crès et Bruno Latour, dont la quasi-totalité de l’oeuvre a été publiée en anglais par les Presses universitaires de Harvard.

Sciences Po est devenu un modèle d’espoir dans la société française, certes, à travers les conventions passées avec des lycées de zones défavorisées ; mais aussi, et plus généralement, en proposant à une jeunesse en crise la possibilité de rêver à un avenir. Ce rêve, et la possibilité pour ce rêve de devenir réalité, ont nourri, soutenu, porté une génération entière d’étudiants, à qui désormais beaucoup était de nouveau possible.

(…) Le Monde

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