La manifestation de dimanche dernier contre le projet de mariage homosexuel pouvait susciter nous semble-t-il des sentiments mêlés (nous avons évoqué le fond du débat dans un article précédent). L’ampleur de la mobilisation contre ce projet contestable a été réjouissante et roborative. Et pourtant, face à l’entreprise de destruction de la France française que ce projet illustre, la plupart des manifestants s’obstinent à conserver une attitude d’aveuglement volontaire.
Le cortège a permis de ressentir, le temps d’une journée d’hiver, ce que peut être la douceur de vivre dans une société homogène, structurée et apaisée. Joyeuse et chaleureuse, cette excursion dans la France « d’avant » suscitait peut-être également chez de nombreux marcheurs, une impression douce-amère de regret et de mélancolie, diffuse, indicible et pourtant douloureuse. Comme si persistait au hasard de ces rues le parfum entêtant de ce que l’on a perdu.
- Le système a utilisé les méthodes de type totalitaire dont il est désormais coutumier
La gauche au pouvoir s’est efforcée de minorer de façon grossièrement abusive l’importance quantitative de la manifestation. Les médias ont ressassé qu’elle avait réuni entre 340.000 personnes, « chiffres de la préfecture de Police », et 800 000 « selon les organisateurs ». Le chiffre de la police a fait sourire jusqu’aux partisans du mariage homo eux-mêmes tant il était peu crédible.
Quant au chiffre de 800.000, il est lui aussi objectivement mensonger puisque les organisateurs ont estimé le nombre des manifestants à 1 million (le chiffre de 800.000 correspond à celui transmis à la presse par le collectif d’organisation à 18 h 00, heure à laquelle de nombreux manifestants étaient encore loin du point d’arrivée ; les derniers manifestants ont atteint le Champ de Mars vers 20 h 00).
Selon certaines sources, l’un des opérateurs de téléphonie mobile a chiffré le nombre des manifestants (dont la plupart étaient munis d’un téléphone mobile détectable) à 1,3 millions. Dans le même souci de cacher l’ampleur de la manifestation les reportages télévisés n’ont présenté aucun plan d’ensemble du Champ de Mars entièrement rempli de manifestants.
Signalons que la mairie de Paris envisage de demander au collectif d’organisation le règlement d’une facture de 100.000 euros correspondant à la remise en état des pelouses du Champ de Mars. Cette initiative visant à museler financièrement les organisateurs d’une manifestation pourtant autorisée est tout à fait inédite.
Elle s’intègre dans l’option tactique que le Système privilégie depuis plusieurs années pour étouffer l’opposition : des sanctions pécuniaires ciblées constituent une technique de dissuasion discrète et efficace (on pense notamment aux condamnations infligées à des militants ou responsables du Front national pour des propos anti immigration jugés « racistes »).
Ajoutons que les politiciens de gauche, ce qui est de bonne guerre, mais aussi l’ensemble des médias, ce qui est là plus contestable, se sont efforcés de discréditer les manifestants, présentés comme des ringards, des passéistes, des nostalgiques dépassés par les évènements et incapables de s’adapter à une société en mouvement.
Cette manifestation, qui a provoqué une mobilisation énergique de l’appareil de propagande du Système, confirme un diagnostic qu’avec d’autres nous avons posé depuis déjà plusieurs années : la France voit s’installer de façon progressive et doucereuse un régime d’essence totalitaire.
- Des marcheurs paisibles… et désarmants de naïveté
Pour ceux, dont nous sommes, qui considèrent avec consternation la façon dont l’oligarchie a entrepris de transformer la société, cette manifestation de grande ampleur contre le mariage homosexuel peut être considérée comme un évènement très encourageant.
Les manifestants se sont mobilisés pour défendre l’institution de la famille traditionnelle contre un projet voulant étendre aux couples homosexuels les concepts de mariage, de famille et de parents. La mobilisation a été massive alors même qu’il ne s’agissait pas de défendre ou de revendiquer le bénéfice d’un droit.
C’est d’ailleurs le raisonnement individualiste souvent entendu dans la bouche des partisans du mariage homosexuel : « pourquoi les manifestants sont-ils hostiles au mariage homo alors qu’ils ne sont pas personnellement concernés, que ce projet ne leur retirera aucun droit et ne les empêchera en rien de continuer à s’inscrire eux dans le cadre du mariage et de la famille traditionnels ? ». Contre cette vision d’une société individualiste et relativiste, les manifestants se sont mobilisés pour défendre un principe : nous considérons qu’il s’agit là d’un évènement très positif.
La manifestation a pour l’essentiel été suscitée et animée par les réseaux catholiques (notamment les écoles). Parmi les foules, elles aussi nombreuses, qui avaient accueilli avec ferveur Benoît XVI en France en 2008, une partie non négligeable d’entre elles ont sans doute défilé ce 13 janvier. De même on peut penser que parmi les manifestants, beaucoup auraient déclaré, si on les avait interrogés, que, sans nécessairement être croyants, ils ne renient pas leur culture chrétienne et qu’ils y sont même attachés. Il y a, là encore, des signes positifs, la religion catholique constituant l’un des principaux cadres ayant permis à la société française d’être ce qu’elle est.
Cependant il nous semble que la manifestation a émis également des signaux moins positifs.
C’est pour défendre l’institution de la famille que les manifestants se sont mobilisés. Or le projet de mariage homosexuel ne doit pas être analysé nous semble-t-il comme concernant la seule institution familiale. Comme nous le notions dans un article précédent, il s’inclut bel et bien dans un projet global, qui vise à démanteler l’ensemble des principaux cadres traditionnels de la société française : la famille certes ; mais aussi la religion catholique ; la nation, enfin, avec ses frontières, son État souverain et sa population historique de race indo-européenne.
La majorité des manifestants du 13 janvier ne partagent probablement pas cette analyse. Défendant l’institution familiale en tant que telle, ils n’ont pas conscience qu’ils sont confrontés en réalité à un projet de société alternative, conçu par les partisans de la « modernité » agressive. Il nous semble dès lors que ces manifestants manquent de lucidité et ne saisissent pas les enjeux véritables.
C’est ainsi que, pour la plupart, les manifestants hostiles au mariage homo ne sont pas de ceux qui se mobilisent pour défendre la nation et pour s’opposer aux agressions dirigées contre elle, en particulier les politiques d’immigrationnisme et de mondialisation. Et pourtant, sans la protection du cadre national, tout ce à quoi tiennent les manifestants, la religion catholique et la famille chrétienne en premier lieu, seront le moment venu menacés et attaqués.
Pire, les réseaux catholiques qui ont suscité la manifestation soutiennent par ailleurs activement les principales options et décisions stratégiques du Système : l’immigrationnisme et l’universalisme. Les analyses des milieux catholiques sont assises sur la lecture conciliaire de l’Évangile, victimaire et mortifère, qui nous paraît profondément erronée. Les milieux catholiques commettent ainsi une tragique erreur d’analyse, sur les plans aussi bien philosophique que géopolitique, et appuient une évolution dont ils seront probablement les premières victimes.
Les choix électoraux des manifestants révèlent également leur manque de lucidité. La plupart d’entre eux votent pour l’UMP ou les partis centristes. Ils estiment n’avoir rien de commun avec les nationalistes. Le Front national, en particulier, appartient pour eux au « camp du mal », au même titre que le mariage homo. C’est ici que l’aveuglement volontaire des manifestants apparaît le plus patent. Certes une partie de l’UMP s’est déclarée hostile au mariage homosexuel (comme l’a fait également le FN, dont certains dirigeants, mais pas tous malheureusement, ont participé à la manifestation).
Mais en dépit de sa position critique sur le mariage homosexuel, l’UMP reste avant tout l’une des deux ailes du conglomérat UMP-PS, les deux partis étant d’accord pour mener à tour de rôle les mêmes politiques mondialistes, libérales et immigrationnistes.
Les débats sociétaux comme celui provoqué par le projet de mariage homo ont pour fonction de camoufler l’accord profond de la classe dirigeante sur la plupart des sujets : en organisant des débats factices au sein de l’oligarchie, il s’agit de donner à l’électorat l’impression qu’une véritable alternative continue à exister entre gauche et droite. Jusqu’à présent les manifestants du 13 janvier et l’ensemble des électeurs de droite se laissent prendre à cette mise en scène, pourtant poussiéreuse et vieille de plus de trente ans.
- La nostalgie de la France d’avant
La manifestation réunissait une population qu’il était extrêmement agréable de côtoyer. Des jeunes parents enthousiastes, des personnes âgées dynamiques, des enfants, des religieux, certains en soutane, des jeunes, en grand nombre, notamment parmi ceux qui ont assuré l’encadrement du défilé. Des gens bien mis pour certains ; une collection de gens ordinaires pour l’essentiel. Une foule calme, polie, bien élevée, souriante, bienveillante.
Joyeuse sans énervement. Sure de ses convictions sans ostentation ni méchanceté. Nulle agressivité. Aucune provocation. Si elle scandait volontiers « on va rien lâcher », la foule avait du mal à entonner les slogans un tant soi peu agressifs et se contentait de sourire lorsque les organisateurs lançaient les « Hollande t’es foutu » ou les « si tu savais où on se le met… ».
Aucun débordement n’a eu lieu. Pas de tags. Pas d’abribus cassé. Pas de voitures abîmées. Aucune violence. Le service de la voirie de la mairie de Paris a avoué qu’il n’avait jamais eu aussi peu de déchets à ramasser après une manifestation. Les forces de l’ordre, aussi sereines et détendues que les marcheurs, ont qualifié la manifestation de « mer d’huile ».
Un autre aspect ne pouvait que frapper les observateurs et les participants eux mêmes. Il n’y avait là aucun immigré. Il n’y avait même pas de couples mixtes. Les manifestants constituaient une population parfaitement homogène, une population « de souche », une population, pour dire le mot, intégralement blanche.
La manifestation, qui plus est, se déroulait dans les beaux quartiers bourgeois agréables à traverser. Sans les tags. Sans les barres, les tours et les grands ensembles de l’urbanisme concentrationnaire qui caractérise la seconde partie du vingtième siècle. Sans les mendiants agressifs. Sans les campements sauvages de Roms près des bouches de métro.
Pour toutes ces raisons, la journée fut spécialement plaisante, en dépit du froid et des heures passées à piétiner. Ont défilé dans la bonne humeur les représentants d’une société qu’on pouvait croire disparue et qui existe encore.