La Russie, qui a publiquement soutenu l’opération française «Serval», devrait envoyer un Antonov 124 et des hommes du 224e détachement aérien au Mali.
Par Pierre Avril
Rompant avec sa prudence habituelle, la Russie a promis une aide militaire à l’intervention française au Mali. Selon nos informations,
Moscou fournira une assistance à Paris en envoyant, dans les jours prochains, un avion au Mali, destiné à transporter des armes légères. Il s’agirait d’un Antonov 124, appartenant à la compagnie Volga Dnepr,
un appareil qui a déjà l’habitude de servir en Afrique sous mandat onusien. Des hommes du 224e détachement aérien seraient également mis à contribution sur le sol malien.
Après que le ministère des Affaires étrangères russe a publiquement soutenu l’opération «Serval» et donné son feu vert à l’intervention militaire française dans le cadre du Conseil de sécurité de l’ONU, voici que Moscou prend une part plus active dans le conflit africain. Cette attitude a de quoi surprendre lorsque l’on sait que, depuis plusieurs mois, la Russie, prétextant un sacro-saint principe de non-ingérence, s’oppose à toute intervention militaire occidentale en Syrie.
Histoire de respecter les apparences et de prévenir toute polémique naissante, le gouvernement russe rappelle qu’il agit dans le cadre de la force Misma, autrement dit sous l’égide de l’ONU et de l’Union africaine.
Des formateurs russes pourraient également être dépêchés sur place, non pas formellement pour aider la France, mais le gouvernement malien lui-même.
Une précision sémantique «extrêmement importante pour Moscou», explique une source diplomatique, mais qui cache des intérêts stratégiques.
Les entreprises russes craignent une déstabilisation de la région
Tout comme les puissances occidentales, et confrontée elle-même à une insurrection islamiste au Caucase du Nord, Moscou s’inquiète d’un débordement similaire au Sahel.
«La Russie soutient l’opération de liquidation des terroristes au nord du pays, mais considère que les efforts de pacification devront être organisés par les Africains eux-mêmes», a précisé, dans une déclaration soigneusement pesée, le représentant spécial de Vladimir Poutine en Afrique, Mikhaïl Margelov.
À l’époque soviétique, le Mali était, de tous les pays francophones du continent, celui qui avait noué le plus de contacts avec l’URSS.
Moscou a formé à l’époque près de 4000 étudiants maliens, y compris l’ex-président Amadou Toumani Touré, qui a fréquenté l’école supérieure des parachutistes de Riazan, à 200 kilomètres au sud de Moscou.
L’URSS a longtemps exploité au Mali une mine d’or aujourd’hui en déshérence. Les grandes entreprises russes, comme Gapzrom (gaz), Severstal (acier) ou Rosatom (nucléaire), ont toutes d’importants intérêts économiques dans les pays limitrophes du Mali.
«Ces dernières ont tout à perdre d’une déstabilisation de la région», explique au Figaro l’ancien ambassadeur au Mali, Evgueni Korendiassov.
La perspective d’une aide militaire russe au Mali a néanmoins suscité les critiques de l’hebdomadaire populaire Argoumenty i Fakty. Ce dernier s’étonne que «le budget militaire russe finance une guerre d’invasion de la France en Afrique».