Durant des décennies, le véhicule préféré des rebelles a été le pick-up japonais Toyota Hilux. Coriace, pas cher, simple et facile à réparer, le Hilux était aussi aidé par la solidité et la capacité de la soute, en arrière, où on peut fixer une mitrailleuse lourde, un canon léger, un lance-roquette et même certains petits systèmes de missiles anti-aériens.
Par Denis Arcand | monvolant.ca (02/09/2011).
Une guerre entre la Lybie et le Tchad en 1987 a même été surnommée The Toyota War. La Lybie avait de gros tanks russes, des hélicoptères de combat et des garnisons dans le désert; le Tchad avait des Toyota Hilux et 8000 nomades du désert armés de Kalachnikov et de petits lance-roquettes RPG 7. L’armée de Kadhafi a mangé toute une volée.
Durant 20 ans après cela, le Hilux a été le véhicule des révolutions, des guerres civiles et des conflits low-tech partout en Afrique, en Amérique du Sud et en Asie.
Quelle publicité, ces photos d’agences de presse, montrant des combattants roulant sur les pires routes du monde dans des pick-ups avec un gros «TOYOTA» sur le panneau arrière.
Le GrandTiger: la Jeep du XXIe siècle?
Mais quand on regarde les photos récentes d’insurgés libyens, on s’aperçoit que le choix des rebelles change. Il y a encore beaucoup de Hilux, mais on voit aussi de nombreux pick-ups du constructeur Zhongxing, spécifiquement le modèle GrandTiger.
Ce pick-up est souvent décrit comme une copie à peine déguisée des versions anciennes du Toyota Tundra (dans la grande tradition de l’industrie chinoise).
Contrairement au Hilux, qui s’est modernisé et est devenu plus sophistiqué même dans ses versions d’exportation au Tiers-Monde, le GrandTiger est resté mécaniquement simple et surtout, il se vendait 10 700$ en Libye, flambant neuf, avant la guerre.
Évidemment, quand les rebelles ont besoin d’un pick-up, ils ne vont pas négocier un contrat de location de trois ans chez leur concessionnaire Zhongxing ou Toyota. Les insurgés libyens ont pris ce qu’ils ont trouvé dans les entrepôts du gouvernement libyen ou quand ils ont «réquisitionné» des véhicules à la pointe du fusil chez des particuliers ou des compagnies locales.
Le fait que des rebelles roulent en Zhongxing est juste un reflet de l’expansion commerciale des exportateurs chinois dans ces marchés où le prix est souvent l’argument no 1.
L’an dernier, Zhongxing a exporté 5000 pick-ups en Libye, sous son nom d’exportation, ZX Auto, il est certain que certains d’entre eux transportent des rebelles aujourd’hui.
«Il semble que les camionnettes et VUS chinois soient devenus la cavalerie légère du XIXe siècle»,
écrit Ash Sutcliffe, fondateur de China Car Times, un magazine chinois rédigé par des Britanniques qui ont grandi en Chine.
«Leurs bas prix et la brutalité qu’ils peuvent encaisser sont légendaires, alors ce n’est pas surprenant qu’ils soient devenus le choix des rebelles qui se battent contre les forces de Khadafi.»
Ce n’est pas limité à la Lybie. Au printemps, durant la guerre civile en Côte d’Ivoire, on a vu des GrandTiger Zhongxing dans les rues de la capitale, Abidjan.
Comme en Libye en 1942
Mais la Libye est un bon endroit pour les guerres de succession entre empires automobiles. Si vous trouvez que ces pick-ups équipés de mitrailleuses vous font penser à quelque chose, vous avec peut-être en tête les Jeep de Commando du désert.
L’intrigue de cette télésérie de guerre est campée surtout en Libye, durant la Deuxième guerre mondiale. Rat Patrol n’est peut-être pas une référence historique, mais il est exact que la Jeep américaine a supplanté le matériel roulant britannique à cette époque.
Aujourd’hui, ce sont les Chinois qui commencent à déloger les Japonais.
Même dans l’automobile, il y a un changement de régime qui s’observe en Libye.