L’étude annuelle de la GFMS pour 2012, une société de recherches spécialisée sur les métaux précieux, avait déjà indiqué que les banques centrales à travers le monde avaient acheté plus d’or l’année dernière qu’elles ne l’avaient fait quasiment au cours des cinquante dernières années. Elles auraient ainsi acquis 536 tonnes d’or en 2012, qui ont été substituées aux réserves détenues dans les 4 devises les plus courantes : le dollar, l’euro, le yen et la livre sterling. Parallèlement, elles ont réduit de 26% leurs détentions en obligations souveraines européennes de la zone euro, leur faisant retrouver les niveaux qu’elles avaient atteints il y a une décennie.
C’est donc la perte de confiance dans les deux plus grandes devises de réserve du monde, le dollar et l’euro, qui suscite cette évolution. La crise de la dette a révélé les défauts de la monnaie unique, qui ne dispose pas d’une trésorerie capable d’intervenir pour la soutenir, tandis qu’elle est agitée de crises successives ; quant au dollar, c’est la dette abyssale des Etats Unis qui lézarde sa crédibilité.
Ce mouvement est bien sûr initié par les pays détenteurs de ces 4 monnaies, rejoints par de nouvelles puissances émergentes. A eux tous, ils détiennent les deux tiers des 11.000 milliards de dollars de réserves en devises du monde. La Chine se serait fixée d’accroître ses réserves d’or pour qu’elles dépassent 2% du total de ses réserves en devises. La Russie s’est même fixée un seuil de 10% de ses réserves en or. Le même mouvement s’observe de toutes les régions du monde, en Amérique Latine, au Moyen-Orient, ou dans le Pacifique. Et cette semaine, on a appris que la Bundesbank procédait au rapatriement de ses réserves d’or détenues à New York et Paris. Selon Mohammed El Erian, le CEO de Pimco, cet évènement pourrait déclencher un vaste mouvement d’imitation à travers le monde. « Aucun pays ne voudra se retrouver à être le dernier à sous-traiter toute cette activité à des banques centrales étrangères », a-t-il dit.
Pour Jim Sinclair, un expert dans le domaine de l’or surnommé « Mr Gold », la décision de l’Allemagne, qu’il compare à un séisme, est comparable en impact à la décision de Charles de Gaulle de rapatrier les réserves d’or de la France qui étaient conservées aux Etats-Unis à la fin des années 1960, qui avait été un signe avant-coureur de la suppression du système de Bretton Woods 3 ans plus tard. Il croit même que la décision de la Bundesbank pourrait sonner le glas du dollar comme monnaie de référence internationale.
Mais pour Evans-Pritchard, l’or devrait plutôt s’intercaler comme un troisième étalon de référence aux côtés du dollar et de l’euro, ce qu’il estime être une bonne chose. « Un étalon-or partiel, créé par le marché international, et n’appartenant à personne, est le meilleur des mondes. Il offre une valeur de conservation (quoique sans rendement). Il agit comme un contrepoids. Il n’est pas assez dominant pour nuire au système. Offrons-nous donc trois devises mondiales, un tripode avec une jambe d’or. Il pourrait même offrir le luxe d’être stable », conclut-il.