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Début janvier, un Allemand a obtenu le retrait des passages d’un conte. Depuis, la polémique enfle pour déterminer s’il s’agit d’une censure abusive. Même les enfants s’y sont mis.

Il était une fois une vilaine sorcièrequi décide, à l’âge de 127 ans, de devenir gentille. Tel est le propos de Die Kleine Hexe, conte enfantin écrit en 1957. Une histoire pas si innocente qu’on pourrait le croire. Notamment depuis qu’un père de famille a exigé le retrait de certains termes «racistes» de ce classique de la littérature jeunesse outre-Rhin. Tout est même parti d’un sentiment de colère en novembre dernier lorsque cet homme, Mekonnen Mesghena, lit La petite sorcière à sa fille de sept ans au moment du coucher. Il découvre alors au sein de ce texte, écoulé à plus de 50 millions d’exemplaires, l’utilisation du qualificatif «nègre».
Choqué, le père ne peut se résoudre à tourner la page. «La terminologie n’est jamais neutre. Elle montre la structure de domination», affirme-t-il. D’origine Érythréenne, il se sent intimement victime de ce racisme hérité d’une autre époque. Mekonnen Mesghena est un militant actif. Il dirige le département «migration et diversité» de la Fondation Heinrich Böll, un think tank berlinois. Il décide alors d’adresser une lettre de contestation à Thienemann Verlag, la maison d’édition. Là encore un monument du paysage culturel germanique. Loin de se faire débouter, la requête abouti finalement à une promesse en janvier 2013. Les passages incriminés seront modifiés lors de la prochaine édition, en juillet prochain. (…)
Depuis cet accord passé entre le plaignant et la maison d’édition, une partie du milieu intellectuel s’agite. Dans un essai publié par l’hebdomadaire Die Zeit, le journaliste Ulrich Greiner se montre radical: «Ce n’est ni plus moins que de la censure ou de la contrefaçon… Un scandale du politiquement correct qui est en train balayer le pays.» Le pédopsychologue Hartmut Kasten porte un avis aussi irrévocable, accusant les parents de «projeter leurs propres peurs», rapporte le Guardian . Mais la manifestation la plus éloquente reste celle du critique littéraire Denis Sheck. Il a débarqué sur un plateau télévisé la figure peinturlurée de marron pour étayer ses arguments: «Le langage est quelque chose de vivant, et les livres pour enfants sont de la littérature. Les jeunes enfants devraient particulièrement apprendre la façon dont le langage courant évolue perpétuellement.»
Pour soutenir ce point de vue, un autre éditorialiste de Die Zeit s’est même aventuré à une comparaison osée: «N’importe qui croyant que l’art devrait être adapté rétrospectivement parce qu’il contredit la morale qui prévaut a dû être satisfait en 2001 lorsque les Talibans ont détruits les Bouddhas de Bâmiyân.» (…)
C’en fut trop pour Ishema Kane. Cette petite fille métisse de 9 ans a décidé de prendre son stylo plume pour répondre personnellement au journal. «Je suis café au lait, affirme-t-elle de son écriture enfantine. Et je trouve ignoble l’idée selon laquelle le mot négro devrait rester dans les livres. Vous ne pouvez pas imaginer ce que je ressens quand je dois entendre ou lire ce mot.» (…)
Le Figaro
Lire : Allemagne : un classique littéraire modernisé… ou défiguré ?

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