En 1913, les dictatures menaçaient, les “nihilistes” sévissaient, la crise économique avançait au même rythme que le progrès technologique. Comme en 2013, rappelle Jacques Attali…
Par Antoine Bouthier.
L’année 2013 ne ressemble à aucune plus qu’à 1913.
Cette année-là, une formidable période de croissance butait sur une crise financière provoquée par la première puissance économique du moment, la Grande-Bretagne.
De formidables progrès techniques, en matière d’énergie et de communication (électricité, automobile, avion, radio, sous-marin) annonçaient des lendemains qui chantent. Un grand nombre de mouvements favorables à la démocratie se faisaient jour en Amérique latine, Afrique, Russie, Asie. Mais sévissaient aussi des groupes terroristes (qu’on nommait alors “nihilistes”). Des idéologies totalitaires dénigraient l’économie de marché et la démocratie, et annonçaient leur intention de combattre les valeurs des droits de l’homme.
Pourtant, cette année-là, en 1913, personne ne connaissait le nom de Lénine, qui allait prendre le pouvoir en Russie quatre ans plus tard. Encore moins celui de Mussolini, qui marcherait sur Rome sept ans après, ni celui de Hitler, qui tenterait son premier coup d’État en 1923. Personne n’imaginait non plus qu’un attentat terroriste parmi d’autres allait déclencher, par le jeu des alliances, une Première Guerre mondiale, à laquelle allaient succéder une grande crise économique puis une Deuxième Guerre mondiale. Ni que le régime soviétique, né de la Première Guerre, ne s’effondrerait que soixante-quinze ans plus tard.
Aujourd’hui, les mêmes forces de progrès et de liberté s’expriment; les mêmes grondements existent; les mêmes mouvements destructeurs agissent. La même crise économique,
la même tentation d’en sortir par le protectionnisme, la violence, voire la guerre, au moins froide.
Regardons lucidement le monde: une très brève période se clôt, où il n’existait plus aucune guerre entre deux pays, nulle part sur la planète. Désormais, un arc de la violence fait le tour du monde: une guerre au Mali, des affrontements en Libye (pays qui a libéré un puissant armement classique), un conflit entre Israël et la Palestine, une guerre civile en Syrie (qui peut relâcher d’effrayantes armes chimiques), des tensions entre Israël et l’Iran, une guerre en Afghanistan, des tensions entre l’Inde et le Pakistan, entre la Chine et le Japon, pouvant impliquer son allié américain et donc redescendre vers le Mexique et le Brésil et, par le biais des cartels de la drogue, rejoindre la Guinée équatoriale et le Mali. Tout se met en place pour que menace une Troisième Guerre mondiale.
Seulement, nul ne sait où aura lieu l’équivalent de l’incident de Sarajevo, qui déboucha sur août 1914: il adviendra dans les îles disputées par la Chine et le Japon, sans doute.
Pour l’éviter, il faut distinguer le combat contre le terrorisme narco-islamique, que tous doivent mener sous forme d’une action de police internationale (où sont, au Mali, les Allemands, les Anglais, les Américains?), des disputes souvent dérisoires entre nations, pour des contestations de territoires qui doivent faire l’objet d’arbitrages civilisés. Si l’on ne pose pas clairement ces principes, si on laisse nos économies se fermer et les guerres commencer, on court à une épouvantable catastrophe, dont on ne sortira, si tout ressemble au siècle passé, qu’en 2089, après, toutes proportions gardées, plus de 200 millions de victimes…