La société norvégienne Thor Energy s’apprête à tester le thorium comme combustible nucléaire alternatif à l’uranium qui alimente les réacteurs nucléaires de 2e et 3e génération. Elle parie entre autres sur les réserves importantes dont dispose le pays nordique et sur une nouvelle orientation de la filière nucléaire.
Plus de ressources, moins de déchets
Le thorium est encore plus abondant que l’uranium dans la croûte terrestre où il est présent sous la forme d’un seul isotope, le thorium 232. Fertile, ce thorium 232 peut se transformer par absorption d’un neutron en uranium 233, élément fissile tout comme l’uranium 235 utilisé dans les réacteurs actuels à eau pressurisée (type des réacteurs du parc nucléaire français). Or, la fission de l’uranium 233 produit un peu plus de neutrons que celle de l’uranium 235, ce qui permettrait de produire davantage d’énergie avec une quantité donnée de minerai.
En outre, les déchets radioactifs de la filière, enjeu sensible pour le secteur électronucléaire, seraient moins abondants dans le combustible usé (bien que très radioactifs) et se dégraderaient plus rapidement. Ceux-ci ne pourraient pas être utilisés dans le cadre de la production d’armement nucléaire. Pour toutes ces raisons, Thor Energy mise sur le thorium, un minerai jugé compétitif par le groupe lorsque les prix de l’uranium s’élèveront (après 2020 selon leurs estimations).
La filière thorium-uranium 233 a toutefois déjà suscité l’intérêt des chercheurs, et ce dès les années 1950. Elle avait alors été rejetée, au bénéfice de la filière uranium-plutonium car les conditions de radioprotection n’étaient alors pas maîtrisées.
Thor Energy entend surmonter cette contrainte à travers une série d’essais de ce combustible à partir de mi-mars dans le réacteur nucléaire de recherche de Halden (sud-ouest de la Norvège).
La Norvège, terre propice à une percée de la filière
C’est en Norvège que le thorium a été identifié vers 1830. Le nom même de ce minerai provient du dieu du tonnerre dans la mythologie nordique, Thor. Les ressources norvégiennes en thorium pourraient fournir 120 fois plus d’énergie que les hydrocarbures présents dans le plateau continental de ce pays(1). Pour rappel, la Norvège détient respectivement 1% et 0,4% des réserves prouvées mondiales de gaz et de pétrole.
Thor Energy estime que l’exploitation du thorium pourrait fournir une orientation transitoire pour la filière électronucléaire alors que le déploiement des réacteurs de 4e génération ne sera pas effectif avant plusieurs décennies. Notons d’ailleurs que le thorium pourrait également être utilisé par des réacteurs de cette nouvelle génération dans des surgénérateurs à neutrons rapides. C’est l’option à laquelle l’Inde consacre actuellement un programme important de recherche, ce pays possédant également d’importantes ressources de ce minerai longtemps resté dans l’ombre de l’uranium.
Note :
(1) Selon le Thorium think tank, un groupe d’experts norvégiens.