Les Femen, groupe « sextrémiste » d’origine ukrainienne, ont débarqué en France en septembre 2012. On compte aujourd’hui une quinzaine d’activistes, considérant le turnover important des membres. A l’instar de leurs génitrices est-européennes, nos Femen interpellent l’opinion publique à coups d’happenings, le plus souvent illégaux et toujours seins nus.
Elvire Duvelle-Charles est l’une d’entre elles. A 25 ans, la jeune réalisatrice et vice-présidente de Femen France, a de grandes ambitions pour son collectif, dont elle porte fièrement la couleur chair. Entretien in naturalibus.
Menly : D’où t’es venue cette envie de rejoindre les Femen ?
Elvire Duvelle-Charles : J’ai toujours suivi les mouvements féministes. Car je suis gavée par cette pression, ce harcèlement et ces inégalités hommes-femmes. Les Femen ont un mode d’action qui me correspond. Et comme je ne suis pas de nature passive…
Menly : N’importe quelle femme peut devenir une Femen ?
E.DC : Pour devenir une Femen, il faut suivre des entraînements, à raison de trois heures par semaine : cours de self-défense, formation pour apprendre à crier nos slogans de façon intelligible, faire des pancartes lisibles… En fait, il s’agit de synchroniser nos actions. Moi par exemple, j’y assiste depuis mon entrée à Femen France, quelques jours après la création.
Menly : Se mettre nue en publique, est-ce compliqué ?
E.DC : Pas du tout. Moi qui suis de nature pudique, j’ai tout de suite trouvé ça naturel. Il y a une grande différence entre se dévoiler sur la plage ou dans le cadre de nos actions. Le « sein nu » véhicule notre message : on veut donner une autre image de la nudité, laquelle n’est pas destinée qu’à la séduction. C’est le symbole de la femme forte, combattante, vindicative. La nudité est notre armure. A ce moment là, on se sent forte, car on l’impose quand on veut, où l’on veut.
Menly : La provocation est-elle la seule arme qui vaille ?
E.DC : La provocation est notre outil principal, mais elle n’est pas la seule arme qui vaille. Nous l’utilisons car notre objectif est de déclencher des discussions, poser des questions. Et en provoquant, on inverse le pouvoir médiatique, on le spame. Ainsi, on attire l’attention sur le sujet qui nous intéresse. Notre rôle est de donner un coup de pied dans la fourmilière. Nous n’avons pas la prétention de donner des solutions, nous ne faisons pas de politique. Nous savons que nous ne pouvons changer le monde toutes seules. Nous, nous sommes dans l’action. D’autres associations vont interagir avec le pouvoir par exemple. On se complète.
Menly : Votre objectif est-il d’influencer la politique ?
E.DC : Nous aimerions avoir une influence sur la politique. Mais nous voulons garder notre indépendance. Si tel parti nous soutient sur telle action, il peut très bien se retourner contre nous par la suite. Et c’est très bien comme ça. Après, nous sommes ouvertes à toutes discussions, si les bases nous conviennent. Nous avons déjà croisé des personnalités politiques, mais jamais de façon officielle.
Menly : Justement, avez-vous été surprise par la vague d’indignation qui a suivi votre opération à Notre-Dame de Paris ?
E.DC : On ne recherche pas forcément l’indignation. Mais nous sommes ravies d’avoir été remarquées, que le message soit passé auprès de Manuel Valls notamment. En revanche, nous ne comprenons pas pourquoi les politiques se disent choqués par huit femmes seins nus devant un lieu davantage touristique que religieux – sachant que nous sommes arrivées après la prière – et non par un mouvement intégriste tel que Civitas. Notamment quand leurs membres ont vomi toute leur diatribe homophobe envers les couples homosexuels, devant l’Assemblée nationale dans le cadre d’une grande prière collective, le tout protégé par des CRS. Pendant le débat sur le mariage gay, l’Eglise s’est invitée dans la rue. Donc, la rue s’est invitée dans l’Eglise.
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Menly