Derrière le phénomène des voitures haut de gamme en leasing, des soupçons de blanchiment de l’argent des trafics…
D’où viennent ces véhicules puissants dans lesquels paradent les voyous de banlieue? À la lumière des faits tragiques qui ont coûté la vie à deux policiers, jeudi matin, le directeur de la police judiciaire parisien, Christian Fleasch, a révélé que le Range Rover Evoque ayant percuté la voiture des fonctionnaires avait été loué à une société de location de voitures de luxe qui faisait «l’objet d’une enquête».
Le chauffard meurtrier de 22 ans, toujours en garde à vue ce vendredi, n’avait pas les revenus pouvant justifier qu’il roule au volant de véhicules de valeur. Et il n’est pas un cas isolé. «Plusieurs centaines de petits délinquants, versés dans les trafics en tous genres et roulant dans des voitures de sport, sont dans le collimateur de la police», assure un commissaire de la PJ.
Christian Fleasch assurait pour sa part, jeudi, que ses services se livraient à des vérifications sur «un certain nombre d’identités de conducteurs de véhicules de luxe», affirmant que «lorsque nous avons une inadéquation entre le profil du conducteur et le montant de la location de ces véhicules, nous ouvrons une enquête». (…)
En 2011, les policiers de la Seine-Saint-Denis avaient arrêté le conducteur d’une Lamborghini Murcielago V12 de 580 ch, d’une valeur de 266.390 euros. Son conducteur, âgé de 26 ans, était connu de la police pour 35 faits de délinquance, du trafic de stupéfiants au vol aggravé, et demeurait en HLM à Aubervilliers. Affirmant être gérant d’une société de location de voitures, il venait également d’immatriculer une Audi R8 de près de 100.000 euros.
Sous l’impulsion du préfet Alain Gardère, alors directeur de la police d’agglomération parisienne, les brigades anticriminalité avaient été invitées à relever les plaques d’immatriculation des voitures de sport contrôlées aux heures d’ouverture et de fermeture des discothèques, dans le quartier des Champs-Élysées notamment, et à bord desquels se trouvaient des profils dont le niveau de revenus ne cadrait pas avec ce luxe tapageur. La police judiciaire a ensuite pris le relais, avec l’appui du Groupe d’intervention régional (GIR) de Paris, qui associe policiers et agents du fisc notamment.
Une centaine de procédures par an
Une Ferrari F430 contrôlée sur les Champs était conduite par un voyou de 32 ans, une Jaguar stoppée avenue de la Grande Armée était conduite par un truand avec 35 braquages et un viol à son passif. Dans les filets de la police également: un môme de 18 ans connu des services et roulant en BMW X6. Porsche Panamera, Hummer H3, rien n’est trop beau pour ces oiseaux de nuit.
La police judiciaire parisienne gère, à l’année, une centaine de procédures de vérifications de revenus, en liens avec l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels saisis et confisqués (Agrasc). «Les enquêtes sont longues pour déterminer d’où vient l’argent qui a servi à acheter ces voitures et la lourdeur procédurale de ces investigations financières rebute parfois la justice qui préfère alors se concentrer sur d’autres délits», explique un préfet. (…)
Le Figaro