“Marlboro, Marlboro”. Engoncés dans leurs blousons noirs, les mains gelées, ils sont 20, 30 à la sortie du métro Barbès à Paris pour vendre leurs paquets rouges à quatre euros. “Ici c’est le plus grand tabac de France“, dit le kiosquier. Un “tonneau des Danaïdes” d’où s’écoule un trafic de contrebande sans fin, selon un douanier.
A deux mètres, une poignée de CRS écrase le temps dans un mini-car, comme tous les jours depuis que le quartier a été classé zone de sécurité prioritaire (ZSP) en septembre. Devant le kiosque, les vendeurs s’accumulent. Pour acheter “Paris course”, il faut se frayer un chemin. Jean-Michel n’en peut plus. Il appelle le commissariat.
“Salut Eric, c’est Michel. Si tu peux m’envoyer du monde, là c’est le bordel”. Dix minutes après, les vendeurs s’agitent: “Balak, balak” (attention, en arabe), les CRS entrent en action. Certains vendeurs migrent un peu plus haut sur le boulevard. Le calme revient.
Trois vendeurs sont contrôlés et laissés libres.
Les CRS repartis, Barbès l’interlope reprend ses droits.
Barbe et regard noir pétillant, Youssef vend des cigarettes à Barbès depuis cinq ans: “Quand la police arrive, je pars, quand elle repart, je reviens”, dit-il espiègle. Cet Algérien d’une vingtaine d’années, fuit la police “parce qu’elle prend les cigarettes”.
Il a déjà été arrêté plusieurs fois: “Je n’ai pas de papiers, ils ne peuvent rien faire”.
Au moment de rentrer dans son car, un CRS décrit sa mission: “créer un climat d’insécurité” pour les vendeurs. “On remet l’ouvrage sur le métier cent fois. C’est sans fin mais on les gêne”.
Un autre CRS, dépité: “Quand on en interpelle trois, ils nous donnent les trois même noms, avec la même date de naissance…”.
A Paris, ces fourmis “reviennent généralement d’Afrique de l’ouest où les cigarettes sont achetées légalement”. Une cartouche achetée 7 euros au Sénégal sera revendue de 25 à 30 euros à Barbès. D’autres cigarettes sont achetées légalement au Maghreb. D’autres sont “tombées du camion” comme celles que des individus cagoulés ont braqué récemment dans un camion qui roulait sur une autoroute de Seine-et-Marne.[…] MSN