“La France orange mécanique” est un livre à thèses racistes.
Pour Thomas Guénolé, politologue (Sciences Po) l’argumentation du livre de Laurent Obertone, «La France orange mécanique», a été utilisée par le FN. Il a lu le livre et «déconstruit cette mécanique». En particulier il conteste les chiffres indiqués dans l’ouvrage.
L’identité nationale renvoie à une nation française atemporelle dont le système de croyances et de valeurs, bien que produit de l’Histoire, n’est plus évolutif. Héritière morale et philosophique de racines gréco-romaines et judéo-chrétiennes, les nouveaux arrivants doivent assimiler son système de croyances et de valeurs, afin de pouvoir eux-mêmes s’assimiler dans la population française.
Le racisme fonctionne en définissant un stéréotype, à partir d’un ensemble de préjugés négatifs qui sont des arguments d’autorité. Le stéréotype étiquette ainsi en bloc des personnes qui n’ont en commun, dans ce livre, qu’une origine géographique, une orientation religieuse, ou l’appartenance à un groupe ethnique.
Par exemple, le racisme islamophobe postule que les musulmans sont inaptes à s’intégrer dans la République française, qu’ils le sont par essence, et ce postulat s’étend à tous les musulmans. La conséquence induite, d’un strict point de vue logique, est l’apartheid, l’expulsion, la déportation, ou l’extermination.
«La France orange mécanique» procède de l’idéologie identitaire. À l’identité républicaine de la France, composée du triptyque «liberté-égalité-fraternité» de la laïcité, de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et des valeurs réhabilitées après la Seconde Guerre mondiale par le Conseil national de la Résistance, les identitaires ajoutent de fait un autre concept : l’identité nationale. […]
L’immigré Clovis, païen provenant de Scandinavie et fondateur du royaume de France, ou les immigrés vikings initialement païens, fondateurs de la Normandie médiévale, souriraient sans doute de ces théories au vu de leur propre parcours. […]
Toujours en 2008, selon les chiffres du ministère de la Justice rapportés par l’Agence France-Presse, la population carcérale totale est de 61.076. En croisant avec l’enquête de 1999 de l’INSEE, on obtient donc, en arrondissant, 15.500 détenus qui sont des immigrés maghrébins. Rapportés à la population totale d’immigrés maghrébins, cela représente 0.44% du total. 0.44% du total : de fait, il est statistiquement faux de déduire de la sur-proportion d’immigrés maghrébins dans les prisons françaises une prédisposition des immigrés maghrébins à la délinquance ou à la criminalité.
«La France orange mécanique» est donc un tissu d’âneries que son auteur tente d’ériger en démonstration scientifique de son idéologie identitaire, accumulant les amalgames racistes, les tromperies pures et simples quant aux chiffres employés et à leur interprétation […].
À ce titre, les médias, au regard de leur mission d’information du public, ont le choix entre deux possibilités : ne pas parler de cet ouvrage au motif de sa piètre qualité et de la contribution induite à son incitation à la haine raciale ; parler de cet ouvrage, à la condition expresse de faire l’effort de documentation et d’argumentation nécessaire pour démonter ses inepties brique par brique. La seconde option constitue, au demeurant, une entreprise de salubrité publique.
Le Nouvel Obs