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L’historien et sociologue Robert Castel est mort mardi 12 mars. En 2007, après les émeutes de 2005, il décrivait comment la République est en panne d’intégration des jeunes des banlieues. Le Nouvel Obs republie son analyse.

Sa biographie

Le Breton de souche que je suis est reconnaissant à la République. Grâce à elle, la Bretagne s’est modernisée tout en restant fidèle à elle-même. Pourquoi la République ne saurait-elle pas faire, comme elle l’a réussi pour de farouches Bretons, la même chose pour des gens dont la seule tare serait que leur père ou leur grand-père soient venus des anciennes colonies ?

Deux ans déjà [7 ans désormais]. A l’automne 2005, les banlieues françaises furent le théâtre d’émeutes urbaines. En dépit de cet électrochoc national, rien n’a vraiment changé dans les banlieues. Les jeunes «issus de l’immigration» y sont toujours «assignés à résidence», tels des « étrangers de l’intérieur ». […]

Il est bien sûr injustifiable de brûler des écoles, mais encore faut-il avoir l’honnêteté de reconnaître que l’école ne remplit pas dans ces quartiers le mandat d’égalité qui est le sien. […] Le cumul des handicaps rend ainsi explosive la question ethnique et raciale.

La République, en contradiction avec ses propres principes, paraît incapable d’intégrer ces jeunes Français qui se vivent comme les indigènes de la nation, comme s’il y avait toujours une marque, une trace d’une immigration lointaine qui pèse toujours sur eux. Les immigrés italiens ou polonais du début du siècle dernier se sont intégrés en une génération. Cela n’a pas toujours été facile, mais la République a su faire son travail.

En France, les quartiers dits «sensibles» – ils concernent près de 5 millions d’habitants – ont été l’objet depuis le début des années 1980 d’un traitement social continu grâce à la «politique de la ville». Il est donc faux de dire que ces quartiers ont été laissés totalement à l’abandon. La puissance publique est présente en banlieue sous de multiples formes. Il n’y a pas en France de ghettos de type nord-américain et le périphérique qui sépare Paris de ses banlieues n’est pas une frontière. […]

Actuellement, les banlieues ne sont pas encore des territoires ethniques, mais elles s’ethnicisent de plus en plus.

Pourquoi y a-t-il aujourd’hui une telle stigmatisation de la religion musulmane alors que 5 millions de musulmans vivent en France ? Ce soupçon permanent d’islamisme radical dirigé contre cette communauté, dans un contexte de guerre au terrorisme, empoisonne l’atmosphère et sonne comme une condamnation collective. Les enquêtes sociologiques montrent pourtant fort bien que plus de 80% des jeunes musulmans ont un rapport assez distant avec leur religion. Leur stigmatisation globale ne peut qu’accélérer le développement du communautarisme qui mettrait en danger l’unité de la nation. […]

Plus que jamais, les banlieues sont le chantier prioritaire.

Le Nouvel Obs

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