Entretien avec Philippe Villin, ancien inspecteur des finances et ex-directeur du Figaro devenu banquier d’affaires, à propos du résultat du scrutin italien qui signe l’échec de la politique de Mario Monti et un refus de l’euro.
NB: La Rédaction de Fortune tient à préciser qu’elle ne partage pas les vues ultra-libérales du banquier d’affaires Philippe Villin, “l’éminence gay des grands patrons” selon Le Monde et par ailleurs partisan du mariage “pour tous”.
Pour retrouver une compétitivité face à une Allemagne toute-puissante et s’engager sur la voie de la croissance, dit Philippe Villin, les pays de l’Europe du Sud, y compris la France, doivent initier de profondes réformes structurelles et surtout sortir du carcan de l’euro en le faisant exploser. Démonstration.
Comme interprétez-vous le résultat des élections italiennes ?
Il montre un rejet de Mario Monti et de sa politique déflationniste. Les élites européennes le considéraient pourtant comme porteur de la quintessence du bonheur en Europe et leur sauveur face à l’échec pourtant patent de l’euro… Je l’ai toujours considéré au contraire comme un technocrate, aux ordres de madame Merkel et de monsieur Trichet. Je suis donc ravi que les Italiens l’aient désavoué : sa politique et son incapacité à rendre l’Italie compétitive rapidement ne pouvaient conduire qu’à sa ruine […] Mario Monti a plongé son pays dans la récession- déflation entraînant une explosion du chômage.
En Diafoirus de la médecine allemande, il avait prodigué à son pays le même traitement diabolique que celui appliqué à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne et maintenant à la France, c’est-à-dire une augmentation massive des impôts et une tentative de baisser les salaires. Il aurait dû faire des réformes structurelles, n’augmenter les impôts qu’à la marge et surtout dévaluer.
Mais il eût fallu bien sûr pour cela que l’euro explose. En effet, l’euro est devenu intolérable pour les Italiens comme pour les Français tandis qu’il fait “crever la gueule ouverte” la Grèce et le Portugal et mourir à petit feu l’Espagne. Car il est à la fois trop fort vis-à-vis du reste du monde et, à l’intérieur de la zone euro, le taux de change unique qu’il impose rend impossible toute dévaluation vis-à-vis de la zone rhénane, la zone la plus productive d’Europe.
L’Italie aurait ainsi besoin d’une dévaluation externe d’au moins 30 % par rapport au dollar et encore bien supérieure par rapport à l’Allemagne.
Comment jugez-vous la classe politique française face à l’euro ?
Qu’elle soit de droite ou de gauche, je regrette son aveuglement : nous avons affaire à des représentants de la pensée unique, sortis pour la plupart de l’Ena et nourris à un “delorisme” médiocre. Que ce soit le gouvernement de François Fillon pendant cinq ans ou celui de Jean-Marc Ayrault depuis bientôt un an, tous deux appliquent la même politique, avec simplement un peu plus de professeurs et un peu plus de médiocrité pour le second.
Parce qu’il n’y a pas de réformes structurelles, ni de chasse aux dépenses publiques inutiles, et que le credo européen — l’euro doit exister même s’il nous tue — est inlassablement répété. La croissance française est cassée. Car elle ne peut re poser que sur une compétitivité re trouvée par une monnaie nationale correspondant à notre niveau de productivité et une bien meilleure gestion du secteur public.
Que préconisez-vous ?
Il ne s’agit pas de sortir de l’euro mais de le faire exploser ! Ainsi notre capacité à exporter hors de l’Europe serait retrouvée. Car, le “nouveau nouveau franc” vaudrait probablement 105 à 115 cents le dollar. Une dévaluation externe modérée mais efficace. L’impact serait immédiat, à la différence de la dévaluation interne par la baisse des salaires qu’on tente de nous imposer.
Mais l’effet principal incroyablement efficace serait vis-à-vis de l’Allemagne. Car le mark vaudrait probablement 160 à 170 cents le dollar. Nos produits se revendraient là-bas tout de suite et nous importerions moins d’outre-Rhin.
Imaginons que l’éclatement de l’euro se fasse plutôt par une sortie de l’Allemagne…
Ce serait une solution bancale. On aurait un euro trop faible pour la France. Il vaudrait probablement 90 cents face au dollar, ce qui est trop bas pour nous et trop haut pour l’Europe du Sud.
D’où viendra l’élément déclencheur de l’explosion de l’euro ?
Faudra-t-il un jour qu’un dirigeant d’Europe du Sud soit assassiné par un chômeur ou un entrepreneur ruiné pour que les autres se rendent compte qu’ils conduisent l’Europe vers l’abîme ? Faudra-t-il que le taux de chômage des jeunes en Espagne atteigne 80 % pour que la population comprenne que monsieur Rajoy l’emmène à sa perte ?
Je pense en fait que le craquement viendra de la France : le gouvernement Ayrault est en situation d’échec dans tous les domaines. Le président de la République perd peu à peu la confiance de la quasi-totalité de la population. D’ici quelques mois, le pouvoir ne sera soutenu que par la fonction publique, qui sait que le gouvernement sert ses intérêts, comme nous l’avons constaté avec la suppression scandaleuse du jour de carence.
Que craignez-vous ?
La pire des solutions serait de remplacer Ayrault par un clone français de Monti : Pascal Lamy, par exemple, dont certains susurrent au président de la République qu’il serait le seul capable de faire les réformes dont la France a besoin. Or, à l’OMC, il a d’abord servi les intérêts des concurrents de l’Europe.
L’idée d’un Lamy, sorte de père la rigueur bien pensant, protégeant l’euro, est cauchemardesque. Monsieur Hollande, choisissez Pascal Lamy, vous mettrez la France en feu ! C’est simple, si l’on continue avec l’euro, l’économie française poursuivra son effondrement. Je prends le triste pari qu’avant la fin du quinquennat, nous aurons plus de cinq millions de demandeurs d’emploi.
Comment rétablir la croissance ?
L’idée largement répandue que la reprise économique est au coin de la rue n’est que pure illusion. Dans les pays où elle est appliquée, la médecine Trichet-Merkel entraîne ce que j’appelle la “merkelite”, c’est-à-dire une baisse continue du PIB, sans redressement du commerce extérieur, faute de dévaluation. Il est donc impossible de faire disparaître les déficits malgré des impôts sans cesse augmentés, puisque le PIB diminue…
C’est pourquoi, pour faire repartir l’économie européenne, il n’y a pas d’autre solution que de faire exploser l’euro. Chaque économie européenne retrouverait une monnaie qui correspond à ses capacités productives.
La disparition de l’euro sera-t-elle suffisante pour ramener la croissance ?
Non. Le nouveau gouvernement devra engager des réformes structurelles importantes en réduisant fortement à terme les dépenses publiques. Il devra aussi reprendre du pouvoir d’achat à la fonction publique nationale et territoriale trop bien payée compte tenu de la sécurité de l’emploi dont elle bénéficie. Il faudra aussi réformer le marché du travail.
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(Merci à JB & Pierre 1er)