A l’occasion de la sortie, jeudi prochain, de son quatrième roman, «Bloody Miami», sur l’immigration et le communautarisme, entretien avec l’écrivain américain Tom Wolfe.
Dans les années 60, le jeune reporter avait révolutionné le journalisme en faisant le roman de son époque. Parti étudier les tribus contemporaines, les groupes de rock, les surfers ou les défoncés psychédéliques, les astronautes ou les golden boys, Tom Wolfe a inventé une écriture «controversée» qui inspirera journalistes et écrivains du monde entier, «l’hystérie naturaliste». […]
Les «Anglos» sont-ils, comme vous l’écrivez cruellement, une espèce en voie d’extinction ?
Il n’en reste pas beaucoup. Les Wasp sont partis de Miami, ils se sont repliés sur le Grand Miami, à Miami Beach. La population est maintenant hispanique à 70%, dont la moitié est cubaine. On dit «Latinos», un terme inventé aux Etats-Unis. Il y a 18% de Blacks, et il reste quelque 10% d’Américains blancs.
Dans le temps, les Etats-Unis étaient le pays du melting-pot, les immigrants successifs se fondaient en quelques générations dans le rêve américain. Là c’est le «pot» où l’on ne se mélange pas…
A Miami, les gens sont en colère, ils ne se mélangent pas. On essaie de les intégrer, et puis vous revenez plus tard et ils sont exactement au point où vous les avez laissés. Les Cubains avec les Cubains, les Haïtiens avec les Haïtiens, les Anglos avec les Anglos, les Russes avec les Russes… Chaque groupe a sa propre bourgeoisie ou classe supérieure. Dans la plupart des villes américaines, les gens finissent par s’intégrer. Mais vous devez comprendre qu’à Miami tout le monde hait tout le monde. […]
Les Etats-Unis ont inventé le concept de «political correctness», le politiquement correct. Vous êtes, bien sûr, contre…
C’est de pire en pire, surtout dans les universités. Les gens doivent faire attention à ce qu’ils disent. Un exemple typique : la question de l’homosexualité. Ça ne suffit pas de décrire le phénomène, vous devez d’abord établir que vous êtes «pour». Après, vous aurez le droit d’écrire sur l’homosexualité. C’est ridicule. Vous devez d’abord exposer vos critères de moralité avant d’écrire une ligne. Et c’est vrai quand vous voulez parler de minorités, des femmes, du pauvre Blanc, du pauvre Noir, du transsexuel, des immigrés… C’est tellement anti-intellectuel.
Libération (Merci à antibarbare )