Pour Raphaël Liogier, politologue, la peur de l’islam en Europe est irrationnelle et relève du mythe. Son dernier ouvrage : Le mythe de l’islamisation, essai sur une obsession collective, éd. du Seuil,
L’islamisation, c’est la mise en scène morbide de l’extinction de la culture européenne. Et c’est cette mise en scène qui alimente un nouveau populisme, qui n’est plus ni de droite ni de gauche.
Le débat est en réalité nourri par le sentiment de faire face à une catastrophe imminente qu’il faudrait à tout prix éviter, au prix même de la violation des droits de l’homme. S’il s’était agit d’un bonnet quelconque ou d’une robe safran symbolisant l’appartenance au bouddhisme, il est clair que l’affaire n’aurait pas eu lieu. […]
Le problème n’est même pas l’islam en tant que tel, mais le sentiment obsessionnel d’être assiégé, autrement dit l’angoisse de l’islamisation. […]
L’Europe, qui avait déjà perdu sa prééminence économique et militaire, a maintenant perdu aussi ce qui lui restait encore : sa prééminence symbolique. Une multitude de crises suivront, débats sur les racines chrétiennes de l’Europe, sur une Constitution commune, sur les identités nationales. Pour aboutir à ce sentiment de déclin irréversible partagé par une majorité de Français, sentiment de peur devant les nouvelles grandes puissances comme la Chine.
C’est à partir de cette blessure narcissique du monde européen, plus cruellement ressentie dans cette France qui a construit le mythe de sa propre exception et de son universalité, que l’on doit comprendre l’angoisse de l’islamisation. […]
Si nous ne voulons pas vivre demain dans un régime d’exception, sans doute faudrait-il mettre en place les conditions d’un vrai débat sur le vivre ensemble.
Le Monde (Merci à artichaud)