“Allez-y, pincez-vous!” clame une publicité pour la Vento du constructeur allemand Volkswagen, vendue 13.400 dollars US. Mais l’acheteur n’a pas besoin de sortir le porte-monnaie tout de suite. Il échange son vieux véhicule contre le neuf, effectue un paiement symbolique d’une roupie et ne commence à payer que dans un an.
Parmi les offres en apparence alléchantes figurent aussi des ristournes allant jusqu’à 20% et des prêts sans intérêt. Reste à savoir si cela suffira à réveiller le troisième marché automobile asiatique et à écouler les stocks qui se sont formés ces derniers mois, faute d’acheteurs.
Sur l’exercice en cours, clos le 31 mars, les ventes devraient reculer par rapport aux douze mois précédents, après dix ans de croissance continue, selon la fédération indienne des constructeurs automobiles (SIAM).
Pour Sugato Sen, vice-directeur général de la fédération, cette atonie du marché s’explique par l’état de l’économie dans son ensemble, avec une croissance d’à peine 5% pour l’année en cours, soit le taux le plus faible depuis dix ans.
“Si les gens ne doivent pas acheter une voiture, ils n’en achètent pas. Ils brident leurs dépenses non nécessaires“, déclare-t-il. “Les gens en bas de la pyramide amateurs de petits modèles, soit la plus grosse part du marché, n’achètent plus à cause d’une économie faible“.
L’autre grande économie émergente d’Asie, la Chine, devenue premier marché automobile mondial en 2009, ne connaît pas la crise. Elle “se trouve régulièrement à court de capacité (de production) alors qu’en Inde, les constructeurs ont un excès de capacité”, note Deepesh Rathore, analyste sur l’Inde au cabinet de consultants IHS Automotive.
Jusqu’en 2010/2011, le marché indien affichait des taux de croissance compris entre 20 et 30% et faisait figure d’eldorado auprès des constructeurs étrangers, venus y chercher de quoi compenser la morosité de leurs ventes, en Europe notamment.
L’américain Ford a vu ses ventes chuter de 44% en février, à 4.490 unités, tandis que celles de General Motors ont reculé de 20% à 7.106 véhicules et celles de VW de 8%.
Mais le plus durement touché reste l’indien Tata Motors, dont les ventes ont dégringolé de 70%. Quant à sa Tata Nano, présentée comme la voiture la moins chère du monde (à peine plus de 2.000 euros pour les premiers prix), elle n’a jamais remporté le succès escompté depuis son lancement en 2009, handicapé notamment des problèmes techniques qui entraînaient des feux de moteurs.
R.C. Bhargava, dirigeant de Maruti Suzuki, premier constructeur indien et détenu majoritairement par le japonais Suzuki, craint que le prochain exercice (à partir d’avril) “ne soit pas meilleur” pour le secteur.
Pour réduire les stocks, les fabricants ferment des lignes de production et les investissements pourraient se tarir si la situation ne s’améliore pas, selon les analystes. Plus largement, l’état du marché automobile reflète celui de l’économie, entravée par la faiblesse de la demande, une inflation et des taux d’intérêt élevés, et un large déficit public.
“Les gens ne perçoivent pas les bons signaux dans cette économie qui les pousseraient à acheter une voiture“, ajoute Deepesh Rathore.
Seul segment épargné, celui des véhicules tout-terrain de loisir (SUV), prisés des classes moyennes supérieures à la recherche d’une voiture reflétant le statut de son propriétaire et suffisamment costauds pour protéger les passagers sur les routes indiennes, très meurtrières.
Les ventes de SUV ont augmenté de 35% en février. Le français Renault, revenu en Inde il y a juste deux ans, a décuplé ses ventes en février, à 6.723 unités, grâce notamment à son Duster, vendu 14.300 USD.
Mais la difficulté du moment ne fait pas oublier que le potentiel du marché indien reste immense, rappelle Sugato Sen. “Seulement 12 Indiens sur 100 possèdent une voiture“.
(Merci à Tilak)