Les dirigeants des pays émergents des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), réunis à Durban en Afrique du Sud, se sont mis d’accord mardi pour créer une banque de développement commune destinée à financer des infrastructures, qui devrait leur permettre de se passer de la Banque mondiale.
[…] Derrière le discours politique unificateur, qui consiste à dire que les Brics doivent constituer une force économique et politique pour s’affranchir des puissances occidentales, se dissimulent cependant des appréhensions africaines.C’est de fait l’implantation massive en Afrique de la Chine, le géant des Brics, qui pose question, certains estimant que la Chine n’est plus un pays émergent, et que ses relations économiques avec le continent s’apparentent désormais à une nouvelle forme de colonialisme.
La nouvelle banque devrait être dotée d’un capital de départ de 50 milliards de dollars, soit 10 milliards par pays. Quand bien même elle devrait avoir du mal à réunir une telle somme qui correspond à 2,5% de son produit intérieur brut (PIB), l’Afrique du Sud en a fait une priorité. Elle espère trouver ainsi un moyen de financer son ambitieux programme d’infrastructures et aussi les projets des pays voisins.
Le pays hôte a d’ailleurs donné pour thème à la rencontre de Durban «Les Brics et l’Afrique : un partenariat pour le développement, l’intégration et l’industrialisation».
La journée a justement démarré mardi pour le président sud-africain Jacob Zuma par la réception de son homologue chinois Xi Jinping dans le cadre d’une visite d’Etat à Pretoria. «Nous voyons les succès de la Chine comme une source d’espoir et d’inspiration. L’émergence de la Chine porte des leçons pour nous, car nous essayons de suivre son exemple», a déclaré Zuma.
«Nous considérons chacun l’autre partie comme une priorité (…) et comme une opportunité pour notre propre développement», a de son côté relevé Xi. Le président chinois a dit espérer que le sommet de Durban déboucherait sur «des résultats positifs et aiderait à intensifier la coopération entre les pays Brics et les pays africains».
Un contre-poids à l’Occident
Les deux hommes devaient ensuite se rendre à Durban où Jacob Zuma doit s’entretenir en tête-à-tête avec la Brésilienne Dilma Rousseff puis le Russe Vladimir Poutine. Soucieux de leur indépendance, le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, qui rassemblent 43% de la population et produisent le quart du PIB de la planète, veulent se doter d’institutions et mécanismes communs leur permettant de contourner un système mondial actuellement dominé par l’Occident, du Fonds monétaire international (FMI) à la Banque mondiale en passant par les agences de notation.
Outre la création d’une banque de développement, les Brics pourraient aussi mettre en réserve une partie de leurs fabuleuses réserves de change – 4.400 milliards de dollars, selon Pretoria, aux trois quarts détenus par Pékin – pour s’entraider en cas de choc conjoncturel. Ce pot commun, qui leur permettraient d’éviter un recours au FMI, devrait être doté d’une centaine de milliards de dollars, selon le gouverneur de la banque centrale du Brésil Alexandre Tombini.
Les cinq pays ont aussi dans leurs cartons une agence de notation, un mécanisme de réassurance, un conseil d’entrepreneurs, une classification maison des universités… On évoque également un câble sous-marin permettant de transmettre des données à haut débit du Brésil à la Russie via l’Afrique du Sud, l’Inde et la Chine, un projet à 1,2 milliard de dollars.
Le Premier ministre indien Manmohan Singh doit rejoindre les présidents brésilien, russe, chinois et sud-africain dans la soirée pour un dîner de gala, le gros des discussions entre les cinq dirigeants étant prévu pour mercredi matin. La rencontre s’achèvera mercredi après-midi par une «retraite» organisée dans un hôtel de luxe à une cinquantaine de kilomètres au nord de Durban, avec une brochette de chefs d’État africains, venus notamment de la Côte d’Ivoire, d’Égypte, du Mozambique, de l’Ouganda, du Sénégal et du Tchad.
(Merci à TOD)