A Londres, les Anglais apprennent à réparer leurs appareils en panne, au lieu de les jeter et de les remplacer dès qu’ils tombent en panne. Mode d’emploi d’une tendance de fond.
Ordinateur poussif, bouilloire défectueuse, lecteur MP3 en rade: plus besoin de s’arracher les cheveux pour les réparer ou de se précipiter au magasin pour les remplacer. A Londres, les novices peuvent apprendre gratuitement à prolonger la vie de leurs appareils, une alternative à la société de consommation en période de crise économique et écologique.
“Quand un appareil tombe en panne, les gens sont dépourvus“, constate Ugo, un Italien installé à Londres. “Les fabricants font en sorte que le service après-vente soit limitée et la publicité incite à acheter la dernière nouveauté.” Sans compter que les petits commerçants capables de réparer les appareils électriques et électroniques ont quasi disparu.
Lyn Turner, bonnet bleu enfoncé sur la tête et chien en laisse, est frustrée. Cette cinquantenaire ne peut plus écouter ses programmes favoris: sa petite radio est en panne.
“Je serais surprise si vous parveniez à la réparer“, lance-t-elle, en la confiant à l’un des bénévoles férus de technologies de l’organisation “Restart Project” (“Projet redémarrer”).
“La prochaine fois, vérifiez les piles !”
Ce samedi, l’atelier a élu domicile dans une boutique vide-greniers de North Cheam, une banlieue modeste du sud de Londres. David Mery, barbe poivre et sel soignée, tout de noir vêtu, vérifie d’abord les piles, sous l’oeil attentif de Lyn. Bingo. Une pile a coulé. Il la remplace et la radio se remet à crépiter. “1305, c’est ma fréquence préférée”, explique Lyn à David qui s’exécute.
“La prochaine fois, vérifiez les piles, et si vous n’utilisez pas votre radio pendant longtemps, mettez-les dans un tiroir“, conseille David, 47 ans. Lyn acquiesce.
Les bénévoles aiment les défis
Les diagnostics ne sont pas toujours aussi simples, mais les bénévoles aiment les défis. Diogo Castro, la vingtaine, chemise blanche et cravate dénouée, galère lui avec son ordinateur. “Quand il a planté, j’ai d’abord pensé que j’allais le remplacer, mais je n’ai pas assez d’argent, donc je suis venu ici”, explique-t-il lors d’un atelier organisé cette fois dans le quartier prisé de Primrose Hill. Il en repart avec une solution pour retrouver ses fichiers qu’il croyait perdus.
En démarrant “Restart Project”, “on avait en tête les deux crises, financière et écologique”, explique Janet Gunter, à l’origine du projet avec un autre trentenaire débordant d’idées, Ugo Vallauri.
Réduire l’impact écologique
Du coup, les gens jettent “au lieu de faire un meilleur usage de ce qu’ils possèdent déjà” et de réduire leur “impact écologique”.
“Est-ce qu’on met sa voiture à la casse sans avoir ouvert le capot?“, renchérit Janet, en dénonçant d’une voix posée le “cercle vicieux de la consommation”.
Ugo et Janet ont lancé “Restart Project” en 2012, après avoir passé plusieurs années dans des pays en développement: “Là-bas, les gens ne se débarrassent jamais d’un objet qui peut être réparé. Le plus frustrant à notre retour (en Europe) a été de voir l’incroyable gaspillage des ressources“, se rappelle Janet.
Le but de “Restart Project” n’est pas seulement de réparer mais aussi “de changer notre rapport à l’électronique”, poursuit Ugo. “Ne soyez pas désemparés, réparez“, résume le slogan de l’organisation.
Démystifier la réparation
Les ateliers, organisés deux fois par mois à Londres, visent à “démystifier la réparation” pour que “la personne ait confiance de se lancer elle-même la prochaine fois”, explique David, ancien journaliste.
“Je viens d’apprendre qu’il fallait toujours vérifier les choses les plus basiques en premier, comme la prise de courant, les piles, le chargeur“, témoigne Jessica Courtney Bennett, qui repart avec son lecteur MP3 en état de marche.
Le chargeur était défectueux. Mais sa réparation risquait d’être longue. “Il faut peser le temps passé à réparer et le coût d’une réparation ou d’une pièce détachée“, explique Francis, un bénévole, qui a conseillé à Jessica d’acheter un nouveau chargeur au coin de la rue. Ce qu’elle a fait pour une modique somme.
Jon Freeman, un photographe de 45 ans, quitte l’atelier de Primrose Hill, ravi et contrarié à la fois. “On m’a suggéré d’augmenter la mémoire vive” de l’ordinateur, explique-t-il, soulagé de ne pas avoir à acheter un nouveau portable. “Mais si j’avais su, confie-t-il avec le sourire, j’aurais attendu l’atelier pour réparer le chargeur au lieu d’en acheter un neuf qui m’a coûté 65 livres (77 euros).”