Article de Philippe De Georges sur le rôle de l’Eglise dans l’opposition au «mariage pour tous» .
L’Eglise de France est au cœur de cette recomposition. Ceux qui en son sein avaient béni les drapeaux de la Milice ont disparu de la scène ou se sont réfugiés dans les franges traditionnalistes. Mais le gros du clergé, qui avait apprécié le Maréchal (on était en ces temps volontiers «maréchaliste», ce qui n’était pas l’équivalent de «pétainiste» et encore moins de «collabo»), qui avait préféré Franco et le concordat mussolinien à la populace rouge et noire, retrouve les accents du temps passé.
De crise en crise, le paysage politique français change. Certaines évolutions découlent presque automatiquement de la situation économique. Elles traduisent le même mouvement que dans le reste de l’Europe : droitisation de l’électorat ; regain du vieux fond nationaliste et xénophobe ; traduction sur l’échiquier politique de l’inquiétude générale, de l’insécurité soigneusement entretenue, et de la crainte du déclassement dans la petite bourgeoisie. L’effondrement des régimes communistes a libéré partout les passions anciennes refoulées, le culte de la terre, le binaire «nous contre eux», les attachements religieux. […]
Un vaste secteur catholique perd ses complexes et retrouve la parole. Ces prélats sont «sans tabou», comme les y invite la nouvelle doxa libérale. La défense de l’enseignement confessionnel avait été jadis l’occasion d’une puissante manifestation de son influence. Le mariage gay est le nouveau prétexte d’une aspiration du clergé à retrouver son influence sur la vie privée du bon peuple. […]
Ce qui est aussi préoccupant est que ce retour du refoulé réactionnaire catholique soit l’un des axes sur lesquels une certaine droite fonde la recomposition du champ idéologique. Des dirigeants de rencontre, souvent avocats d’affaire aussi adroits que sans scrupules, surfent allégrement sur cette vague, comme ils flattent les thèmes de la dite droite nationale, c’est à dire extrême, disqualifiée pendant le demi-siècle qui vient de finir. L’antisémitisme ancien a cédé la place à l’islamophobie et à la lutte anti-immigrée, mais le projet est bien d’effacer la ligne rouge établie à la Libération, entre la droite patriotique et celle de la collaboration. […]