Quel que soit le résultat, le prochain Président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France(CRIF) ressemblera à l’actuel. L’immobilisme est en marche, on ne saurait l’arrêter*
C’est que les cinq candidats au poste sortent tous du même moule, font tous partie du sérail et ont peu ou prou les mêmes idées. Le seul suspense réel réside donc dans l’alacrité avec laquelle ils les exprimeront. Qui sont-ils ? Par ordre alphabétique, on trouve :
Arié Bensemhoun, Président du CRIF Midi-Pyrénées. Comme les autres candidats, c’est un « légitimiste », c’est-à-dire qu’il défend l’idée étrange qu’il faut soutenir tous les gouvernements israéliens, qu’ils soient de gauche ou de droite.
Une souplesse idéologique qui étonne chez des responsables politiques mais qui ne leur pose guère de problèmes en ces temps où la droite ne cesse de se succéder à elle-même. Pour le reste, si M. Bensemhoun a un projet, c’est de prendre exemple sur les Etats-Unis
Non tant sur sa communauté juive, trop modérée à ses yeux, que sur son puissant lobby pro-israélien, « l’American Israel Public Affairs Committee» (AIPAC) lequel soutient avec toujours davantage de ferveur la droite extrême israélienne.
Quant à savoir si le CRIF a les épaules assez larges pour devenir un « AIPAC à la française », c’est une autre histoire.
Roger Cukierman ancien Président du CRIF. Beaucoup le considèrent comme le mieux placé pour accéder à un poste qu’il a déjà occupé de 2001 à 2007. Et où il a laissé des souvenirs mitigés.
Si nombre de Juifs appréciaient son « franc-parler » (synonyme aimable de « coups de gueule»), d’autres déploraient une virulence qui avait contribué à isoler la communauté du reste de la société française.
Son handicap, s’il en a un, c’est son âge : bien qu’il semble en pleine forme physique et intellectuelle, R. Cukierman a tout de même 77 ans….
François Guggenheim (Président du CRIF Tours – Centre). Inconnu hors de sa région, ce candidat « de témoignage » obtiendra-t-il le score honorable qu’il mérite certainement ? On ne peut en préjuger.
De même qu’on ne peut tout à fait exclure que cet outsider ne revienne du diable vauvert pour bousculer tous les favoris…
Meyer Habib (Vice-Président du CRIF). Un adversaire dangereux pour R. Cukierman : son « franc parler » est aussi célèbre que le sien. Qui plus est, M. Habib peut se targuer d’être un ami intime de Benjamin Netanyahou. Celui-ci le considèrerait même comme « son frère ».
Une bonne courroie de transmission donc entre le Premier Ministre israélien et le Président français. Sauf que le journal libanais L’Orient/Le Jour** ( ?) annonçait hier que M. Habib renonçait à concourir.
A la place, il est candidat à la législative partielle*** dans la 8ème circonscription des Français de l’étranger (sous l’étiquette UDI, le parti de Jean-Louis Borloo). Mais quoi ? Président ou député, l’essentiel est de participer. Et si possible, gagner.
Gil Taïeb (Vice-Président du Fonds Social Juif Unifié). On peut s’étonner de sa présence : le Conseil constitutionnel avait invalidé ses comptes de campagne alors qu’il était candidat-député des Français de l’étranger en 2012.
Sanction : un an d’inéligibilité. Il est vrai que la présidence du CRIF n’est pas un poste officiel. Quoi qu’il en soit, M. Taieb est ce qui s’apparente le plus à un homme de gauche dans cette élection. Quoique.
Certes, il a appelle à voter F. Hollande lors des primaires socialistes et son épouse est une élue PS à Paris. D’autre part, il s’est présenté en « indépendant » contre la candidate de ce parti, Daphna Posanznski. Et durant la campagne, il a appelé les pro- Sarkozy à voter pour lui.
Par ailleurs, il est président de l’association française « Les amis de Kadima », le parti fondé par Ariel Sharon. Si donc gauche il y a, elle est du genre bien tempérée.
Comme on le voit, quel que soit le vainqueur, il risque peu de mettre en question et moins encore de modifier ce que le CRIF est devenu aux yeux de nombre de gens, Juifs ou non : le représentant du gouvernement israélien (qu’il soit de droite ou de droite) en France.
Il se peut qu’en cela, le CRIF soit représentatif de l’opinion d’une grande partie de la communauté mais est-ce vraiment ce pourquoi il a été créé ? Le judaïsme de France existait bien avant la venue au pouvoir des droites dures israéliennes.
Il sera encore là lorsqu’elles seront retournées dans l’opposition. Dès lors, le travail du CRIF n’est-il pas de défendre les valeurs juives et l’Etat d’Israël dans son ensemble plutôt que d’abdiquer toute indépendance de pensée pour plaire à des majorités de circonstance ?
La question ne sera pas posée. Pas lors de cette élection-ci, en tous cas.
(…) CCLJ.be