Pour Alexandre Dézé, Maître de conférences en sciences politiques à l’université Montpellier-I, la crainte de voir arriver le FN au pouvoir est médias relève du «fantasme».
Le premier tour de l’élection présidentielle n’aura pas lieu demain et il est fort à parier que de nombreux événements seront alors advenus. Dans une certaine mesure, ces résultats de sondages contribuent donc également à nourrir un peu plus le fantasme d’une extrême droite aux portes du pouvoir.
«Violences extrémistes» ; «Réveil des groupuscules» ; «Situation potentiellement explosive» ; «Dédiabolisation du Front national» ; «Rapprochement UMP-FN» ; «Marine Le Pen présente au second tour de la présidentielle de 2017»… A lire les titres des médias au cours de ces dernières semaines, la France serait en proie à une menace politique des plus sérieuses : celle de l’extrême droite. Pour d’aucuns, il faudrait même s’attendre au pire : dans un entretien récemment accordé aux Inrockuptibles, le philosophe Bernard Stiegler affirmait ainsi que «si la gauche n’ouvre pas très vite une perspective nouvelle, l’extrême droite sera au pouvoir dans quatre ans». […]
Si une telle prophétie ne peut manquer de laisser songeur, elle n’en illustre pas moins le registre fantasmatique avec lequel nombre d’observateurs ont pris désormais l’habitude de traiter l’extrême droite, projetant sur le phénomène une réalité pour le moins déformée. […]
Il est utile de se souvenir que Marine Le Pen est actuellement visée par une demande de levée de son immunité parlementaire à la suite de ses propos comparant les prières de rue des musulmans à une «occupation». Son odieuse conférence de presse devant un camp de Roms installé à Wissous dans l’Essonne (le 25 avril) est également venue rappeler que la dédiabolisation ne constitue qu’un pan de la stratégie du parti, et que pour exister en politique, tout comme pour conforter le noyau dur de ses soutiens, le FN doit continuer d’entretenir ce qui fait sa singularité, c’est-à-dire sa radicalité. A Wissous, il s’agissait bien en l’occurrence de redonner corps au vieux slogan de la propagande frontiste : «immigration = insécurité». […]
C’est sur un même mode anxiogène qu’ont été évoqués les rapprochements entre l’UMP et le FN à l’occasion des mobilisations hostiles au «mariage pour tous». […] Il n’y a donc rien de bien nouveau dans ce jeu de relations, qui reste aussi condamnable hier qu’aujourd’hui, et qui procède bien plus de petits arrangements tactiques que d’une réelle collusion idéologique. Malgré tout, nombre d’observateurs semblent prendre plaisir à spéculer sur un rapprochement UMP-FN (qui, n’en doutons pas, prendra bien la forme d’alliances locales lors des prochaines élections), en jouant sur la peur d’une arrivée prochaine du FN au pouvoir, tout en faisant de ce rapprochement un indicateur supplémentaire de la «dédiabolisation» du parti. […]