[Extraits d’un texte publié par Pax Christi Wallonie Bruxelles le 6 mai 2013]
Notre démocratie a besoin d’un mouvement antiraciste fort afin de lui rappeler un de ses principes fondateurs, l’égalité entre tous les citoyens. Ce mouvement antiraciste est un rouage essentiel de notre société. Il doit porter des revendications, défendre les personnes discriminées, déconstruire les mécanismes économiques, sociaux et psychiques du racisme (…)
La Ministre Fadila Laanan a proposé la création d’une nouvelle plateforme contre le racisme (…) basée sur l’hypothèse suivante : nous sommes en concurrence face au manque d’emploi, à la hausse des prix, à la diminution des services sociaux… Dans cette situation de compétition, groupes et individus peuvent être tentés de vouloir éliminer leurs adversaires. Pour cela, il faut pouvoir désigner ceux que l’on va discriminer et nous allons alors construire des « raisons », prétendues légitimes, d’exclure nos adversaires : on associe une couleur de peau à une soi-disant infériorité intellectuelle, une pratique religieuse à un présumé extrémisme, un sexe à certaines tâches supposées congénitales…la liste est longue.
Ces raisons ne sont pas légitimes mais racistes, xénophobes ou sexistes (…).
[Mais] cette approche socio-économique n’affronte pas un des aspects du racisme très prégnant, lequel établit une hiérarchie non plus selon les apparences physiques, mais selon les cultures. [Par exemple] la religion musulmane est particulièrement stigmatisée. Souvenons-nous de l’affirmation du ministre français Claude Guéant en 2012 : “toutes les civilisations ne se valent pas”… Il faisait ainsi le lit de raccourcis simplistes et réducteurs.(…)La nouvelle plateforme antiracisme devra donc poursuivre le travail de modification des mentalités et des comportements en ce qui concerne les différences d’apparences physiques et d’appartenances culturelles. (…)
Les minorités ethnoculturelles ont un rôle primordial dans la lutte contre le racisme. En effet, ce sont ces minorités qui peuvent décrire au mieux les formes concrètes que prend le racisme car elles les vivent elles-mêmes.
Travailler avec les minorités ethnoculturelles permet ainsi de connecter le débat idéologique ou juridique avec la réalité de terrain.
Les discriminations vécues par les personnes issues de l’immigration congolaise, marocaine ou roumaine sont différentes. Cette diversité des expériences doit être entendue et prise en compte pour façonner ensemble des stratégies adaptées.(…)
L’Etat doit établir les conditions générales qui permettent à un maximum de citoyens de vivre dans un climat de tolérance. La société civile quant à elle, doit réaffirmer sa mission de contre-pouvoir, de contestation, d’expression citoyenne. La plateforme, née d’un appel de la Ministre Fadila Laanan doit être l’aiguillon légitime de l’antiracisme. (…)
De nombreux rapports en attestent, l’hostilité est croissante envers les musulmans. Cette forme de xénophobie, dénommée «islamophobie », se concrétise par une représentation négative des musulmans, par des discours de haine, des préjugés, des discriminations à l’embauche, etc. (…) Si le phénomène est reconnu, cela permettra de mettre en place des campagnes de sensibilisation ou des actions ciblées.
Il faut par exemple distinguer et ne plus associer systématiquement islam et violence, islam et islamisme, islam et extrémisme. En ce sens, la « Proposition de résolution relative à la lutte contre l’islamophobie », déposée le 21 février dernier [en Belgique] est très importante.
Il est nécessaire également que la population de la culture majoritaire et la population musulmane se connaissent davantage. Nous devons aussi reconnaître et faire connaitre les actions et la participation des belges de confession musulmane à notre société.
Cela peut se faire par exemple par davantage de rencontres et de collaboration avec le milieu associatif musulman. La plateforme antiracisme serait un lieu intéressant pour ces échanges.
Les craintes de la « population majoritaire » sont multiples en ce qui concerne les minorités ethnoculturelles. Pour s’attaquer aux racines du racisme, la plateforme devra pouvoir entendre ces peurs, les prendre en considération et y répondre.
Texte complet ici
[Pax Christi (‘la Paix du Christ‘) est «une association catholique dont la mission consiste à sensibiliser citoyens et décideurs aux situations de conflits et à les encourager à devenir des acteurs de paix.» ] (plus ici)
L’auteur, Amandine Kech (ci-dessous) a participé au lancement du magazine “Magma” , acronyme pour “Magazine Mixité Altérité” qui se veut un espace de dialogue et de rencontre des gens d’horizons culturels et sociaux différents (voir ici)