Le ministre de l’Intérieur, chargé des Cultes, veut des imams aux couleurs de la France. De ce dossier, il a fait une priorité, le répétant à plusieurs reprises. Pour avancer, une mission d’évaluation, menée conjointement avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, vient d’être confiée à un universitaire, Francis Messner, l’un des meilleurs spécialistes du droit des religions, sur la formation des imams en France. Il devrait remettre son rapport d’ici à la rentrée en septembre.
La France compte, aujourd’hui, environ 1 800 imams en activité. Seulement un tiers sont rémunérés.
En fait, depuis presque vingt ans, cette question est un véritable serpent de mer, malgré les rapports commandés par les gouvernements successifs. «La majorité des imams est toujours formée dans les pays d’origine des croyants, pointe Kamel Kabtane, le recteur de la Grande Mosquée de Lyon. Pourtant, l’islam de France et les communautés musulmanes ont beaucoup évolué. Les deuxième et troisième générations issues de l’immigration deviennent majoritaires parmi les fidèles. Il nous faut des cadres religieux capables de s’adresser à elles.» Un vœu pieux au regard de la réalité du terrain. […]
Comme dans l’Eglise catholique, il y aurait aussi une sorte de crise des vocations. Les imams étant contrôlés par les associations locales et mal rémunérés (lorsqu’ils le sont), les candidats ne se bousculent pas. C’est la quadrature du cercle pour les responsables de mosquée qui continuent à se tourner vers les pays d’origine, leur donnant ainsi un moyen de contrôle sur leur diaspora. Afin de faciliter l’intégration des imams «importés», un effort a été réalisé, ces dernières années. Apprentissage du français, du droit des cultes, connaissance du paysage religieux dans l’Hexagone… trois filières ont été créées récemment à Strasbourg, Paris et Lyon. C’est l’ensemble de ce dispositif que devra évaluer Francis Messner. La crainte d’une radicalisation d’une frange des jeunes musulmans, attirés par le salafisme, rend aussi nécessaire la reprise en main du dossier. Un pays laïc peut financer des filières de culture générale pour des imams venus de l’étranger. Mais imaginer mettre en place une sorte de séminaire musulman risque bien de soulever de grandes polémiques.