Chronique d’Alain Duhamel dans Libération.
Jean-Luc Mélenchon exagère toujours, c’est son tempérament, son style, son talent, sa méthode. […] Sa grande réussite, c’est qu’il suscite à la gauche de la gauche un authentique culte de la personnalité.
Son grand échec est que ce phénomène se produit au détriment de la gauche réformiste, au bénéfice de la droite et de l’extrême droite. Il redonne des couleurs à la gauche de rupture mais rend l’espoir d’une revanche à l’UMP et offre celui d’une percée au Front national.
Jean-Luc Mélenchon draine des dizaines de milliers de manifestants et des millions de téléspectateurs, mais en un an son image s’est lourdement dégradée. Le terrible sondage Ifop-Journal du dimanche, publié le week-end dernier, établit qu’aux yeux des Français il apparaît nettement plus sectaire que Marine Le Pen, plus éloigné qu’elle de leurs préoccupations et moins novateur.
Marine Le Pen s’est affublée d’un masque, Mélenchon a préféré se costumer en capitaine Fracasse.
La présidente du FN revendique désormais un conservatisme ultranationaliste qui se veut protecteur et en apparence rassurant. Le coprésident du Front de gauche joue les épouvantails, brandissant un changement de régime (la VIe République), un bouleversement économique, une brusque rupture sociale. […]
Ce n’est pas le pire. Mélenchon travaille d’arrache-pied à briser la gauche en deux. A la gauche réformiste, il oppose une gauche de révolte. A la gauche de gouvernement, il oppose une gauche de protestation. […] Querelle qui ne cache pas son véritable objectif : construire son destin sur les ruines de la social-démocratie. Pour le plus grand bénéfice, cela va de soi, des libéraux et de l’extrême droite.