Un nombre record de terres du Québec ont servi à faire pousser des organismes génétiquement modifiés (OGM), l’été dernier. L’écrasante majorité du maïs-grain – mangé par le bétail et la volaille – a été transformé par génie génétique pour être tolérant aux herbicides ou résistant aux insectes.
Au total, 83% des superficies de maïs-grain étaient transgéniques en 2012, contre 74% l’année précédente. Les superficies de canola (à 85%) et de soya (à 59%) étaient aussi largement génétiquement modifiées, l’an dernier.
Même s’il faut payer des droits à Monsanto ou aux autres entreprises qui les vendent, ces semences modifiées par biotechnologies s’avèrent plus payantes.«Les producteurs choisissent tout simplement les semences en fonction des gains de productivité et d’efficacité qu’elles apportent, explique Benoit Legault, directeur général de la Fédération des producteurs de cultures commerciales. La croissance des superficies en semences OGM pourrait donc se poursuivre en 2013.»
Les progrès – qui ne sont pas dus qu’aux OGM – sont énormes. L’agriculteur qui récoltait sept tonnes de maïs par hectare en 1990 peut en espérer le double, cet été.
Semis hâtifs
Près de Napierville, sur la Rive-Sud de Montréal, Stéphane Bisaillon espère finir de semer dès aujourd’hui. C’est tôt en saison, grâce au beau temps des dernières semaines. «On vit des années records», indique le sympathique agriculteur, qui a parlé à La Presse sans quitter son tracteur guidé par GPS.
Le maïs-grain et le soya qu’il sème sont transgéniques, une technologie en laquelle il a confiance. «Ça fait presque 20 ans que les biotechnologies sont arrivées, observe-t-il. Je mange régulièrement des poignées de grains et il ne m’arrive rien. Je n’ai pas de troisième oeil ni quatre bras!»
Pas de luzerne GM cet été
Les Québécois sont désormais habitués à l’idée de manger ces OGM, qui ne font plus la manchette comme à leur arrivée dans nos champs. Mais le vent recommence à changer de direction.
L’Union des producteurs agricoles (UPA) s’est récemment opposée à la commercialisation de la luzerne génétiquement modifiée pour résister à l’herbicide Roundup, de Monsanto. Sa crainte? Que le pollen de la nouvelle venue contamine la luzerne des alentours, notamment la biologique. Ça a marché: l’entreprise «a annoncé qu’elle remettait à plus tard la possibilité de commercialiser ce produit au Canada, en raison de la levée de boucliers», dit Patrice Juneau, conseiller aux affaires publiques de l’UPA.
Soulignant que le nombre de cultures transgéniques autorisées et commercialisées pourrait bondir de 30 à 120 entre 2009 et 2015, Marcel Groleau, président de l’UPA, a annoncé une «vaste réflexion» sur les OGM. Un colloque à ce sujet est prévu cet automne.
Blé transgénique «à nos portes»
L’Ordre des agronomes du Québec bouge aussi: un plan de recommandations en matière d’OGM sera bientôt dévoilé. «Les OGM nous sont arrivés avec une application simple, explique René Mongeau, président de l’Ordre. Nous avions principalement un gène de résistance à un herbicide (Roundup, Liberty) et un autre pour contrer la pyrale du maïs; deux outils qui pouvaient répondre à certaines problématiques au Québec. Mais depuis, d’autres gènes se sont ajoutés, répondant à des besoins des conditions de culture aux États-Unis. Sans qu’il soit évident, pour le moment, qu’ils nous soient utiles.»
La venue possible de la luzerne GM «laisse entrevoir qu’il y aura une diversité de nouvelles modifications génétiques à venir», poursuit M. Mongeau. Le blé GM est, par exemple, «à nos portes».
«C’est déjà un problème d’avoir autant de cultures OGM, estime Thibault Rehn, secrétaire de Vigilance OGM. Le principe de précaution devrait s’appliquer, puisqu’on n’est pas sûrs que ce soit sans danger.»
Hier, le département américain de l’Agriculture (USDA) a annoncé qu’il prolongeait l’examen de nouvelles cultures transgéniques développées par Dow AgroSciences et Monsanto, résistantes respectivement aux herbicides 2,4-D et dicamba, en plus du populaire Roundup. Dow AgroSciences espérait lancer son nouveau maïs – aux États-Unis comme chez nous – dès l’an prochain.